Biographies des Maîtres
Gozo Shioda, le fondateur de l’Aïkido Yoshinkan
Célèbre pour ses démonstrations spectaculaires, Gozo Shioda fait partie du cercle restreint des géants de l’Aïkido. Disciple d’avant-guerre du fondateur pendant huit ans, il a fortement contribué au renouveau de l'Aïkido dans le Japon d'après-guerre. Fondateur de l’école Yoshinkan, il n’hésitait pas à utiliser ses techniques en situation réelle. Reconnu pour son efficacité, il a enseigné à divers groupes de police de Tokyo. La Fédération Internationale des Arts Martiaux lui décerna le titre de Meijin et le 10ème Dan d'Aïkido.
Biographie parue dans le magazine Self & Dragon Spécial Aïkido n°10 - Juillet 2022.
Gozo Shioda (塩田剛三) est né le 9 septembre 1915 à Yotsuya, un quartier de l'arrondissement de Shinjuku à Tōkyō. Il est le second fils d’un pédiatre célèbre, Seiichi Shioda. Enfant chétif à la santé fragile, le jeune Gozo survit à plusieurs pneumonies et à d’autres maladies durant sa petite enfance grâce aux soins de son père. Suivant les directives de ce dernier, il bénéficie d’une éducation privilégiée et pratique le Judo et le Kendo, dès l’école élémentaire, pour fortifier son corps. Convaincu de l’intérêt des arts martiaux dans l’éducation de la jeunesse, son père a aménagé une partie de sa maison en dojo qu’il nomme Yoshinkan. Il engage ainsi, à ses frais, des instructeurs de Judo et de Kendo pour enseigner les arts martiaux à ses propres étudiants mais également à ses patients et aux enfants du voisinage. Au fil du temps sa santé s’améliore et Gozo, devenu un jeune homme vigoureux, étudie avec passion les arts martiaux.
La rencontre avec Ueshiba Sensei
Munetaka Abe, le proviseur de l’école secondaire de Gozo découvre un jour par hasard, la jeune Takako Kunigoshi en train de nettoyer le temple où il se rend quotidiennement. Frappé par son comportement exemplaire, il discute avec la jeune femme et apprend qu’elle étudie les arts martiaux auprès d’un professeur nommé Morihei Ueshiba. Il décide de l’accompagner et assiste à une démonstration de son professeur et en ressort profondément impressionné. Par la suite, il conseille vivement à M. Shioda d’y envoyer son fils. C’est ainsi que Gozo accompagne son proviseur au dojo d’Ueshiba Sensei à cinq heures, le matin du 23 mai 1932. A cette occasion, le maître l’invite à faire un essai et à l’attaquer de toutes ses forces et de la manière qui lui plait. D’abord sceptique et trouvant le maître trop sûr de lui, le jeune Gozo, troisième dan de Judo, lui décoche un coup de pied en y mettant toute sa force et se retrouve au tapis dans l’instant même, se heurtant violemment l’arrière de la tête sur le sol en tombant à la renverse. Étourdi par le choc, il met un certain temps avec de reprendre ses esprits et pouvoir se relever. Ayant réfléchi à sa conduite, il décide de s’inscrire immédiatement au Kobukan Dojo de Maître Ueshiba.
Les débuts au Kobukan dojo
Ueshiba Sensei est très exigeant et demande deux parrains pour accepter un élève ; son père et son directeur d’école se porte garants pour lui. Gozo débute l’étude dès le lendemain. Une quinzaine d’étudiants résident alors au Kokuban Dojo et s’entrainent rigoureusement de 5h à 21h. Le jeune Gozo pratique chaque jour avec eux, pendant le premier cours du matin, avant de se rendre à l’école. Être membre de ce dojo prestigieux est très stimulant pour Shioda. Morihei Ueshiba est un expert réputé et il a parmi ses disciples des artistes martiaux de haut niveau, des militaires de haut rang et des personnalités importantes. Gozo s’investi dans la pratique auprès de ses camarades de l’époque Hisao Kamada, Ikkusai Iwata, Rinjiro Shirata, Kaoru Funahashi, Tsutomu Yukawa, Shigemi Yonekawa, Takako Kunigoshi ou encore Zenzaburo Akazawa. Très motivé, il s’entraîne dans l’espoir d’être le meilleur. A cet effet, il pratique également au dojo de Takaji Shimizu pour apprendre le Jujutsu et le Bojutsu (art du baton) de l’école Shindo Muso-ryu.
Assistant du maître
Après un an de pratique, Gozo décide de se consacrer entièrement à sa formation en Aiki-Budo. Considéré comme un uchi deshi, bien qu’il fasse le trajet quotidiennement, Shioda parfait ses habiletés par une pratique assidue et progresse dans la hiérarchie du dojo au fil du temps. Disciple de grand talent, il accompagne le fondateur dans ses déplacements extérieurs en tant qu’Otomo. Ce dernier lui délivre un manuscrit intitulé Hiden Mokuroku en guise de première licence d’enseignement. Bien que cela soit interdit par maître Ueshiba, certains disciples aiment tester leurs aptitudes en situation réelle et l’ardent Shioda en fait naturellement partie. De petite stature, il mesure 1 m 54 et pèse moins de 50 kilos, il est souvent provoqué pour se battre ce qui lui donne plusieurs fois l’occasion de réaliser l’efficacité de ses techniques. En 1933, Gozo réussi le concours d’entrée de la prestigieuse Université privée Takushoku, réputée pour son club de Karaté de haut niveau. Pendant ses études, il se lie d’amitié avec l’illustre Judoka Masahiko Kimura. Projetant de vivre en Mandchourie et en Mongolie, sur les conseils de son père, il s’astreint un programme chargé où il étudie en complément de l’université, le chinois, l’équitation, la cuisine et la conduite automobile. Devenu proche d'O Sensei, il l’assiste régulièrement dans les cours qu’il donne à Tokyo, notamment à l’école militaire Nakano et à Osaka où il le remplace, en alternance avec Rinjiro Shirata, quand il n’est pas disponible pour y enseigner. En 1941, Maître Ueshiba accepte d’effectuer une démonstration au Palais Impérial bien qu’il soit très malade de la jaunisse. A cette occasion, il choisit Tsutomu Yukawa et Gozo Shioda comme partenaires. Malheureusement, par déférence pour son maître malade, Yukawa commet l’erreur de l’attaquer avec tiédeur ! O Senseï le projette si durement qu’il le blesse au bras, Gozo se retrouve alors seul uke pendant tout le reste de la démonstration pour une durée de quarante minutes.
Incorporation dans l’armée impériale
Peu de temps après cet épisode remarquable, Gozo obtient son diplôme de l'Université de Takushoku en avril 1941. Le général Shunraku Hata, ami intime de son père décédé en 1938, ministre de l’Armée et commandant suprême des forces d’occupation japonaises en Chine le désigne comme son secrétaire particulier et l’envoi en Chine un mois plus tard. C’est ainsi que quelques mois avant que le Japon ne déclare la guerre aux États-Unis, le jeune Gozo quitte sa famille et son maître après huit années de pratique intense au Kobukan Dojo. Ravi de pouvoir enfin se lancer dans une aventure à l’étranger, Shioda se rend seul à Nankin pour y retrouver le Général Hata. Ce dernier éprouve beaucoup de sympathie pour lui et l’affecte tout d’abord à Pékin. Gozo occupe ainsi différents postes administratifs, militaires comme civils, mais toujours sous couvert du haut commandement. Il prend ainsi une part active dans le projet d’expansion d’un Japon impérialiste en Asie du sud Est et profite de conditions de vie souvent confortable.
Combat en situation réelle
C’est au cours d’une mission où il doit de rendre à Hanoï, en juillet 1941, que Gozo fait l’expérience d’un contact étroit avec la mort. A l’aéroport de Shanghaï, où il fait escale, il retrouve, par hasard, un ami de l’université nommé Uraoka. Shioda accepte de le suivre dans un bar pour fêter leurs retrouvailles mais il se retrouve au milieu d’une dispute avec le chef d’un gang local. Ne pouvant fuir, les deux hommes sont alors attaqués par ce malfrat et trois de ses compagnons. Déterminé à survire, Gozo assomme le premier assaillant avec une bouteille avant de lui enfoncer la bouteille éclatée dans le visage. Puis, il réussit à esquiver le coup de pied d’un second assaillant tout en lui assénant un coup de poing sur le genou, lui fracturant ainsi l’articulation et le mettant hors d’état de nuire. Après un court moment de répit, un autre assaillant tente de lui asséner un coup de poing au visage. Shioda esquive une nouvelle fois le coup en pivotant à l’intérieur de l’attaque et lui applique un shihonage sans ménagement et voit son coude céder pendant la projection. Gozo utilise aussitôt sa ceinture pour attacher les trois hommes qu’il vient de mettre hors de combat en moins d’une minute. Gozo vient alors en aide à son ami Uraoka, pourtant pratiquant gradé de Judo, car il n’arrive pas à mettre KO le dernier assaillant. Gozo profite d’une projection de son ami pour asséner un atémi aux côtes du dernier agresseur lorsque ce dernier se relève. L’homme se met alors à gémir tout en écumant de la bouche avant de tomber à la renverse. Gozo prend conscience que ses compétences martiales acquises auprès de Maître Ueshiba viennent de lui sauver la vie. Il réalise alors pleinement l’efficacité des techniques d’Aïkido en situation réelle.
Mariage à Taïwan
Shioda est envoyé en mission à Taipei, la capitale de l'île de Taïwan, où il supervise et enseigne le japonais à des Vietnamiens souhaitant renverser les forces d’occupation françaises dans leurs pays. Il est ensuite envoyé à Hokuto pour enseigner l’éducation physique a des élèves Taïwanais du secondaire. Enfin, en novembre 1941, il est contraint par le haut commandement militaire d’accepter un poste d’employé à la Taiwan Colonization Company. Shioda y travaille dans la section des communications avec la mission de décoder les télégrammes codés pour les réécrire en langage clair. A Taïwan, il accepte un mariage arrangé par l’intermédiaire d’un ami. Âgé de 27 ans, Gozo se fiance avec Nobuko Sakaguchi, une jeune femme âgée de 21 ans, diplômée du premier lycée pour filles de Taipei. Les jeunes gens se marient le 31 décembre 1941 et vivent ensemble dans la capitale Taïwanaise jusqu’à l’affectation de Gozo à Bornéo en septembre 1942. Dans l’attente de son transfert, Gozo et son épouse rentrent au Japon en bateau au début du mois d’octobre. Après avoir mis sa femme en sécurité à Tokyo, Gozo embarque, un mois plus tard, pour Pontianak, la capitale de la province indonésienne de Kalimantan dans l'île de Bornéo.
Missions en Indonésie
Durant un long voyage, Gozo traverse les paradis tropicaux Indonésiens de l’ile de Java et de Surabaya. Il débarque à Bornéo en janvier 1941 et occupe la fonction de responsable des sections des affaires commerciales et de la comptabilité de la Taiwan Colonization Company une société commerciale chargée par la marine japonaise de cultiver des plantes et des arbres tropicaux. Il fait la connaissance de deux fonctionnaires du gouvernement à qui il enseigne l’Aïkido quotidiennement jusqu’à son départ, en décembre 1943, pour la ville de Makassar, située dans le sud de l'île de Célèbes. Il y occupe le poste de directeur des affaires générales de la Taiwan Colonization Company, en charge de l'expédition du coton et de la fabrication du sel dans cette province du Sulawesi du Sud. L’entrée en guerre de l’Union Soviétique, le 8 aout 1945, marque la fin de la guerre du Pacifique avec la capitulation sans conditions du Japon un mois plus tard. Malgré le capital accumulé au cours de ses pérégrinations dans le pacifique, Shioda partage le sort de ses compatriotes nippons. Il est enfermé dans un camp par les alliés et doit attendre son rapatriement au pays jusqu’en mai 1946.
Retrouvailles avec O Sensei
Après cinq années passées en Asie du Sud-Est, Gozo Shioda retourne au Japon et retrouve sa famille. Il reprend contact avec Ueshiba Sensei au mois de juin dans l’espoir de reprendre son entrainement avec son maître, retiré à Iwama, un village situé à 100 km au nord-est de Tokyo, depuis 1942. Shioda s’installe avec sa famille pendant quelques semaines et s’entraîne intensément auprès de lui et des rares disciples présents tels que Morihiro Saito, Tadashi Abe et Koichi Tohei, également de retour du front. Même s’il participe aux travaux agricoles durant son séjour, Gozo ne souhaite pas mener une vie de fermier comme maître Ueshiba. Il décide alors de retourner vivre à Tokyo pour gagner sa vie.
La reprise d’après-guerre
En août 1946, il participe à une démonstration d’Aïkido pour les officiers Américains à la base de Yokohama et reçoit, deux semaines plus tard, une proposition d’embauche en tant que secrétaire commercial pour un homme d’affaires. Encouragé par Ueshiba Sensei, il déménage à Tokorozawa et travaille dans cette entreprise jusqu’en 1949. En 1950, Shioda est amené à garder les installations industrielles de la compagnie des aciéries Nihon Kokan aux chantiers navals d'Asano à Yokohama. Le pays est alors en proie à la « purge rouge » menée par le gouvernement Japonais, les Américains et les capitaines d’industrie dans le but de briser les syndicats communistes en ce début de guerre froide. C’est dans ce contexte délicat, qu’il rassemble une cinquantaine des membres les plus athlétiques des clubs de Kendo, de Judo et de Sumo de son ancienne université pour assurer la sécurité du site. Après la levée de l’interdiction de pratiquer les arts martiaux par les forces d’occupation, Gozo est conduit à reprendre l’enseignement de l’Aïkido en 1952. Après avoir fait part de son expérience martiale à la hiérarchie de son entreprise, on lui demande de l’enseigner de manière régulière aux quatre cents employés des cinq usines du groupe. Profitant de ses relations avec la Police, il se rend en parallèle de ses activités, dans plus de quatre-vingts commissariats pour y donner des démonstrations et y faire connaître l’Aïkido.
La création du Yoshinkan Dojo
En septembre 1954, la "Live Extension Society" organise, dans le dojo de la Police de Tokyo, la première grande démonstration d’arts martiaux d’après-guerre. Des représentants d’une centaine d’école se produisent ainsi devant plus de quinze mille spectateurs. Bien qu’étant convié, maître Ueshiba est absent car il est malade et a envoyé Koichi Tohei pour le représenter à cette occasion. La démonstration spectaculaire donnée par Gozo Shioda enthousiasme les foules et remporte le premier prix. Il attire ainsi l’attention de personnalités importantes du monde de la finance, notamment Shoshiro Kudo, le directeur général de la banque Tomin, qui décide de le parrainer. Sponsorisé par une quinzaine de membres du club économique Kensai Doyukaï et avec l’accord de maître Ueshiba, son premier dojo voit le jour en 1955. Il est situé à Tsukudo Hachiman Idabashi, le quartier des affaires abritant le siège de nombreuses grandes sociétés nippones. En hommage à son défunt père, maître Shioda le baptise Yoshinkan, littéralement « le lieu où l’on développe l’esprit ». Les débuts sont modestes avec tout d’abord une surface de douze tatamis, puis agrandie à cent tatamis quelques mois plus tard, pour une quarantaine d’élèves réguliers.
Rivalité avec l’Aïkikaï Hombu Dojo
Bien que Shioda Sensei ne manque jamais de reconnaître son maître Morihei Ueshiba, le Yoshinkan est une entité indépendante de l’Aïkikai (ex Kobukan). Lorsque Shioda connait ses premiers succès avec le Yoshinkan, Maître Ueshiba réside à Iwama en quasi retraite et les cours au dojo de l'Aïkikaï sont irréguliers et peu fréquentés. Ce n’est qu’après 1955, que l'Aïkikaï reprend progressivement son essor sous la direction du Doshu Kisshomaru Ueshiba et de Koichi Tohei et voit Maître Ueshiba être plus souvent présent à Tokyo. Dans ce contexte de concurrence, certains disciples restent fidèles à l'organisation Aïkikaï, mais d’autres choisissent d’intégrer le Yoshinkan Dojo tels que Kiyoyuki Terada, Shigeho Tanaka ou encore Tadataka Matsuo. Informé d’une altercation entre Koichi Tohei et Yoshio Kuroiwa, Shioda sensei essaie de recruter ce dernier mais une intervention du Doshu Kisshomaru Ueshiba et de Kisaburo Osawa le font rester dans le giron de l’Aïkikaï. Les deux groupes « rivaux » évoluent ainsi indépendamment tout en maintenant des liens cordiaux sans aucune scission formelle entre les deux organisations. Shioda Sensei et le Doshu Kisshomaru s’invitant même régulièrement lors des manifestations officielles de leurs organisations respectives.
Un style efficace enseigné aux forces de police
L’Aïkido Yoshinkan se distingue du système Aïkikai ; souvent considéré comme plus « martial », son style met l’accent sur la garde à deux mains, les atémis et les applications d'autodéfense. Par ses relations avec son ami de l’école Takahashi Mikio, devenu directeur du bureau de la Police métropolitaine, Shioda Sensei est sollicité pour occuper le poste d'instructeur en chef de la Police Tokyoïte. En 1957, il développe un programme de formation intensive d'Aïkido pour le département de la police métropolitaine de Tokyo intitulé Senshusei. Au-delà des aspects techniques, sa méthode est axée sur le développement de la détermination et du caractère des policiers (Shuchu Ryoku). Shioda Sensei devient également, en 1963, l’entraineur officiel des Kidotaï, les brigades d’interventions anti-émeutes, puis de la section féminine de la police de Tokyo. Par la suite, toutes les auxiliaires féminines de Police viennent s’entrainer directement au dojo Yoshinkan. L’organisation de Shioda joue un rôle important dans la renaissance d’après-guerre de l’Aïkido ; parmi les employés des grandes compagnies et les étudiants, de nombreux policiers comptent parmi ses disciples et concourent à sa renommée. Dans les académies de Police, l’Aïkido devient une matière obligatoire et pour se présenter à l’examen d’inspecteur, il est nécessaire de présenter un grade d’Aïkido. Shioda Sensei officie également auprès d'autres prestigieuses institutions nippones telles que les universités Meiji, Sophia, Kokushikan, Takushoku, Nihon, Oberlin, Sophia et Aikoku, le collège dentaire, les forces aériennes d'autodéfense ou encore la Compagnie Nationale des Chemins de Fer Japonais.
Une réputation grandissante
En 1961, Morihei Ueshiba lui attribue le grade de 9ème dan pour sa contribution remarquable au développement de l’Aïkido. L’élève et le maître ont continué de maintenir une étroite relation au cours des dernières années. Maître Ueshiba venant parfois rendre visite à son disciple pendant que ce dernier est régulièrement présent dans l'assistance lors des démonstrations du Fondateur et les événements importants de l’Aïkikaï. Le style de Shioda attire de plus en plus de pratiquants. En 1964, son organisation compte plus de 5000 membres à travers tout le Japon. D’autres dojos voient le jour à Kawasaki, Tsurumi et Yokohama dans la préfecture de Kanagawa. Shioda sensei se distingue par sa capacité à présenter l'Aïkido au grand public d'une manière attrayante et facile à comprendre. Il combine une technique précise saupoudrée d’une incroyable vivacité et d’une bonne dose d'humour très appréciée de l’assistance. Sa réputation croissante le conduit à recevoir de prestigieux invités tels que des ambassadeurs, des représentants du gouvernement Japonais, le Prince et la Princesse Hitachinomiya de la famille impériale en 1965 et mêmes des personnalités internationales tels que le sénateur Américain Robert Kennedy en 1962 et la Princesse Britannique Alexandra en 1965.
Une communication grand public
Auteur prolifique, Shioda Sensei publie plusieurs ouvrages au cours des années 60. Tout d’abord « Aikido Gijyutsu Kyohan » édité en 1965 puis « Aikido Nyumon » (Introduction à l'Aïkido) deux ans plus tard. En 1968, il publie aux éditions Kodansha un livre intitulé « Dynamic Aïkido » où Gozo Shioda fait preuve à nouveau d’originalité. Au-delà des traditionnelles parties consacrées aux bases de l’Aïkido, il présente dans son livre une série d’application des techniques dans les parcs, les lieux publics ou dans la rue. Les techniques sont réalisées aussi bien par un homme que par une femme et on y apprend même comment déjouer un pickpocket. Tel un best-seller, son livre est traduit en anglais et réédité en 1977. Sujet d’un article dans la célèbre revue martiale américaine "Black Belt" dès 1964, l’Aïkido Yoshinkan est régulièrement présent dans les magazines dédiés aux arts martiaux. Maître Shioda démontre l’Aïkido dans le documentaire « Budo : The art of killing » tourné en 1978. Sa démonstration, filmée également de haut, est entrecoupée de plans de feuilles tombant dans un ruisseau. Cette compilation de démonstrations de Budos, par les plus grands maîtres des années 70, sera distribuée dans le monde entier à partir de 1982 et deviendra par la suite une référence dans le monde des arts martiaux. Au fil du temps, le développement du Yoshinkan connaît une croissance régulière et compte plus de 7000 membres dans le milieu des années 70.
Développement international du Yoshinkan
Au fil des années, Shioda Sensei consacre beaucoup d’énergie au rayonnement international du Yoshinkan, son style se répand progressivement dans tout le Japon mais également à l’étranger, principalement en Amérique du Nord, en Nouvelle Zélande et en Europe. Il est introduit sur la côte ouest des USA en 1956 par L. Eugène Combs, un militaire ayant étudié le Yoshinkan au camp Drake dans la banlieue de Tokyo. À la suite de l'invitation du club d’Aïkido local, maître Shioda se rend à Hawaï en 1960, accompagné de ses étudiants Takashi Kushida et Yukio Noguchi, qui s'installe définitivement à Honolulu en 1962 pour développer le style Yoshinkan. Gozo Shioda délègue officiellement ses élèves Takeshi Kimeda à Toronto, au Canada, en 1964 puis Takashi Kushida, à Ann Arbor, à proximité de Detroit, dans l’état du Michigan en 1973. Ses deux disciples œuvrent ensemble et établissent un réseau structuré de plusieurs dizaines d’écoles en Amérique du Nord. Maître Shioda accueille l’un de ses premiers uchi deshi étranger, en 1962, avec David Lynch. Ce pionnier, originaire de Nouvelle Zélande, s’entraîne au dojo Yoshinkan pendant dix-huit mois et ouvre son premier dojo à Auckland en 1967. L’Europe n’est pas en reste, l'Aïkido Yoshinkan est introduit en Grande-Bretagne, en 1962, par Ted Stratton, un militaire initié par Thamby Rajah en Malaisie. Par la suite, Shioda sensei se rend en Angleterre à plusieurs reprises et y délègue son élève coréen, Jang Eun Yu, en 1974. Parmi ses quelques disciples étrangers, le français Jacques Muguruza, élève interne à partir de 1977, est l'un des très rares occidentaux autorisés à enseigner au Yoshinkan dojo. Après cinq années de formation, il est chargé d’introduire le style de Shioda dans l’hexagone et dans d’autres pays d’Europe lors de son retour dans la capitale française en 1982. A partir de 1981, Jacques Payet, un second français sera également autorisé à intégrer l’équipe des uchi deshi. Shioda Sensei entreprend une tournée de démonstration aux USA et au Canada en octobre 1980 et envoie son troisième fils, Yasuhisa, étudier à Londres pendant trois années.
Distinctions prestigieuses
En reconnaissance de son niveau d’expertise et de sa contribution exceptionnelle aux Budos, Gozo Shioda reçoit de la Kokusai Budo In (Fédération Internationale des Budo ou IMAF), le titre de Shihan en 1983 puis le haut grade de 10ème dan d’Aïkido, deux ans plus tard. Poursuivant son développement, un nouveau Yoshinkan Hombu Dojo de 155 tatamis, est inauguré à Shinjuku, dans le centre de Tokyo, en juin 1984. Au cours des années 80, Shioda Shihan publie deux nouveaux ouvrages : « Aikido For Beginners » en 1981 et son autobiographie intitulée « Aïkido Jinsei, une vie d’Aïkido » en décembre 1985. A partir de 1982, maître Shioda est régulièrement sollicité par Stanley Pranin, rédacteur en chef du magazine Aiki News. Leurs entretiens paraissent dans le magazine et leur synthèse sera publiée, en 1993, dans le recueil de l’historien américain intitulé "les maîtres de l’Aïkido, période d’avant-guerre". Le 25 octobre 1986, Shioda Shihan est invité à la seconde édition de la Friendship Démonstration de Tokyo, évènement majeur organisé par Stanley Pranin, qui regroupe les plus grands disciples du fondateur. En 1988, la Fédération Internationale des Budo (IMAF), qui a pour objectif de favoriser la transmission des arts martiaux traditionnels Japonais, lui délivre le titre rarissime de Meijin ou « grand maître », aboutissement de toute une existence dédiée à l'art.
Un maître populaire s’éteint
Figure célèbre et apprécié du grand public nippon, maître Shioda participe à plusieurs émissions de télévision et inspire même des personnages de manga. Il a le grand honneur de recevoir la visite de l’empereur du Japon en 1987 et passe un long moment en privé avec lui à cette occasion. Shioda Sensei accueille également de grands sportifs tels le catcheur professionnel Akira Maeda en 1988 et le célèbre boxeur Mike Tyson, accompagné de son manager Don King, en février 1990. Le champion, venu défendre son titre mondial à Tokyo, reste les yeux rivés sur les déplacements des jambes pendant la démonstration donnée par les élèves de Shioda. Il se montre particulièrement intéressé par les techniques de type Kokyu Nage, dont il apprécie la précision du timing. Vers la fin de sa vie, Gozo Shioda continue de voyager à l’international pour démontrer sa vision de l'Aïkido. Il donne sa dernière démonstration à l’étranger, à Munich, en 1988. En 1990, il établit avec son fils, Yasuhisa, la All Japan Yoshinkan Aikido Federation et la International Yoshinkan Aikido Federation (AYF). Il instaure un programme de développement international pour faciliter la formation des instructeurs du Yoshinkan à travers le monde. Gozo Shioda, publie son dernier ouvrage « Aïkido Shugyo » en 1991. Il reste actif et supervise l’enseignement du Yoshinkan jusqu'à son décès, survenu le 17 juillet 1994, à la suite d'une maladie pulmonaire, à l’âge de 78 ans. Le « petit Géant de l’Aïkido » laisse derrière lui son épouse Nobuko et ses trois fils Tetsutaro, Takahisa et Yasuhisa.
Place dans l’histoire et héritage
Après le fondateur, Gozo Shioda est surement, l'Aïkidoka le plus connu des Japonais ne pratiquant pas cet art. Ses nombreuses démonstrations ont fait de lui un maître populaire, et ont surtout permis de médiatiser et développer la discipline. Son organisation, le Yoshinkan a joué un rôle important dans la renaissance d’après-guerre de l’aïkido et s'est progressivement répandu dans tout le Japon et à l’international, faisant de lui le deuxième style d'Aïkido le plus pratiqué dans le monde. Gozo Shioda fut l’un des plus grands maîtres d'Aïkido. Toujours respectueux et proche de l’Aïkikaï Hombu Dojo, il participait chaque année à la réunion des anciens uchi deshi d’avant-guerre organisée par le Doshu Kisshomaru Ueshiba. Il s’est démarqué par son souci de réalisme, en testant toutes les techniques qu’il apprenait en situation de combat réel. A une époque, il s'est même entraîné avec des chiens. Dans le même temps, il attachait beaucoup d’importance à l’aspect mental de l’art et déclarait souvent que l'Aïkido qu'il enseignait était un hommage fidèle aux techniques d'avant-guerre de Maître Ueshiba, lorsque celui-ci était à son apogée technique. Maître Shioda et ses disciples ont souhaité ainsi préserver l’héritage de la pratique du Fondateur à cette période. Son style est toujours très apprécié de la police Japonaise, qui organise par ailleurs des compétitions d'Aïkido Yoshinkan, notamment de Tanto Dori. Après sa mort, le Yoshinkan Aïkido a subi une série de changements administratifs mais est resté relativement stable sous la direction de Kyoichi Inoue, jusqu'à la démission de ce dernier en 2006 à la suite d’un conflit interne. Depuis lors, le Yoshinkan s'est divisé en plusieurs courants sous la direction des shihans historiques et de son fils Yasuhisa Shioda, formant ainsi leurs propres organisations indépendantes du Yoshinkan originel.
Shioda Sensei fut notamment le professeur de nombreux gradés japonais, nord-américains, australiens et européens dont Kiyoyuki Terada (Shihan 10ème dan), Shigeho Tanaka (Shihan 9ème dan), Tadataka Matsuo, Takashi Kushida (7ème dan), Kyoichi Inoue (Shihan 10ème dan), Tsutomu Chida (Shihan 8ème dan), Takafumi Takeno (Shihan 9ème dan), Thomas H. Makiyama (Shihan 8ème dan), Eugène Combs, Tsuneo Ando (Shihan 8ème dan), Hitoshi Nakano (Shihan 8ème dan), Takehiko Sonoda (Shihan 8ème dan), Junichiro Yagi (8ème dan), Yukio Noguchi (8ème dan), Jacques Muguruza (8ème dan), Jacques Payet (Shihan 8ème dan), Susumu Chino (Shihan 7ème dan), Takayuki Oyamada (Shihan 7ème dan), Shigeo Sasaki (7ème dan), Mizuno (6ème dan), Takeshi Kimeda (9ème dan), Amos Lee Parker (Shihan 9ème dan), Robert Mustard (7ème dan), Yukio Utada (shihan 7ème dan), Michiharu Mori (7ème dan), Mitsugoro Karasawa (7ème dan), Jang Eun Yu, Francis Ramasamy (Shihan 7ème dan), Thamby Rajah, Eddie Stratton (9ème dan), Joe Thambu (Shihan 8ème dan), Garry Masters (7ème dan), Fumio Sakurai (Shihan 6ème dan), Toshishiro Obata, Hiromichi Nagano (7ème dan), Malcolm Crawford (7ème dan), David Lynch (6ème dan)…
Sincères remerciements à Jacques Muguruza Sensei pour sa contribution.
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