Morihei Ueshiba
Yutaka Kurita
Les débuts au Hombu Dojo
Yutaka Kurita (栗田豊) naît le 20 avril 1940 à Tokyo, au Japon. Troisième d’une fratrie composée de cinq frères, il grandit dans un Japon en pleine reconstruction, marqué par les transformations profondes de l’après-guerre. En 1959, une rencontre fortuite dans une librairie change le cours de sa vie : il tombe sur l’un des premiers livre consacré à l’Aïkido. Bien qu’il ait pratiqué le Judo et le Kendo à l’école, il ne comprend pas tout le contenu, mais l’écriture abstraite et profonde de Kisshomaru Ueshiba, fils du Fondateur de l’Aïkido, l’intrigue profondément. Au dos du livre, il découvre l’adresse du Hombu Dojo, le centre mondial de l’Aïkido. Curieux et désireux d’en apprendre davantage sur les autres formes de Budo, il décide de s’y rendre dès le lendemain. Lors de cette première visite, il assiste à un cours où le jeune Mitsunari Kanai prend l’ukemi. Il ne comprend pas encore les techniques, mais en ressort profondément fasciné. Dès le lendemain, à 19 ans et encore en dernière année de lycée, il s’inscrit au dojo et débute la pratique.
Une vie d’uchi deshi
Déterminé à progresser, Yutaka suit d’abord les cours de l’après-midi, puis s’investit pleinement dans ceux du matin et du soir, s’entraînant quotidiennement au moins trois heures. Son objectif est clair : devenir uchi deshi, élève résident au service du dojo et du Fondateur. À l’époque, intégrer ce cercle est difficile. En avril 1959, il termine ses études secondaires, et en août, grâce aux recommandations de Kisshomaru Sensei, il est présenté à O-Sensei qui accepte de le prendre. Il rejoint alors le cercle restreint des jeunes uchi deshi, aux côtés de Nobuyoshi Tamura, Nishiuchi, Kazuo Chiba, Seiichi Sugano, Mitsunari Kanai ou encore Yoshimitsu Yamada. Son frère cadet, Minoru, les rejoindra en 1960. Encore ceinture blanche, il s’immerge dans la vie austère du dojo. L’entraînement est dur, la nourriture très limitée — pas de viande, rarement du poisson, principalement des légumes, du riz et de la soupe miso. Il est souvent envoyé à Iwama pour accompagner O-Sensei, où les journées sont rythmées par le travail agricole, le jardinage, la coupe de bois, et l’entretien du dojo. À Iwama, Kurita suit le cours d’armes matinal, fermé au public et dirigé par O-Sensei lui-même, en comité très restreint : souvent seulement Saito Sensei, parfois Chiba Sensei, et quelques autres. Le soir, un cours de taijutsu complète cette formation exigeante. Lorsque O-Sensei ne peut assurer les cours, Saito Sensei le remplace. À Tokyo, il étudie également sous la direction de Kisaburo Osawa Sensei (7ème dan), ainsi qu’avec Hiroshi Tada et Sadateru Arikawa Sensei (tous deux 5ème dan). Tamura Sensei, alors 3ème dan, enseigne déjà en dehors du Hombu. Kurita assiste régulièrement aux cours de 15h donnés par Tada Sensei, et suit aussi les cours du matin et du soir de Kisshomaru Sensei, ainsi que celui de 8h dirigé par Osawa Sensei.
Un disciple dévoué
Yutaka Kurita vit plusieurs années au domicile du Fondateur, à Iwama, et se dévoue à son service quotidien. Il l’assiste dans ses tâches domestiques, prend soin de sa lessive, prépare ses bains, l’accompagne lors de ses déplacements, et prend des notes dictées sur l’art de l’Aïkido, qu’il garde précieusement... jusqu’à ce que le Fondateur lui ordonne un jour de les détruire. Cette proximité exceptionnelle fait de lui un témoin direct de l’évolution de l’Aïkido dans ses dernières années. Fier d’apprendre aux côtés d’O Sensei, le jeune homme doit néanmoins faire des sacrifices tels que s'éloigner de son propre domicile, n'avoir ni sa propre vie, ni aucune vacance en raison de son engagement envers le fondateur.
Deuil et éloignement de la pratique
Kurita est promu 4ème dan par O-Sensei, et continue de vivre et s'entraîner jusqu’au décès du Fondateur en avril 1969, un événement qui le marque profondément. Tandis que plusieurs de ses compagnons uchi deshi partent enseigner à l’étranger, il entre dans la vie active et travaille pour plusieurs compagnies automobiles, coupant tout lien avec la pratique martiale pendant plusieurs années.
Retour à la pratique et mission au Mexique
En 1977, ses anciens compagnons Chiba, Kanai et Yamada, de retour temporairement au Japon, le retrouvent et le convainquent de reprendre la pratique. Il accepte la proposition de ses amis et revient s’entraîner au Hombu Dojo. Deux ans plus tard, en 1979, il est promu 6ème dan Aïkikaï, et reçoit une mission officielle : représenter l’Aïkikaï au Mexique. Il y est envoyé comme Shihan délégué du Hombu Dojo, sous la recommandation de Yamada Sensei.
Pionnier de l’Aïkido au Mexique
Le 10 octobre 1979, il arrive à Mexico. En 1980, il fonde l’Association Mexicaine d’Aïkido avec l’aide de ses premiers élèves, dont José Carlos Escobar. Il délivre ses premières ceintures noires, forme un premier groupe d’instructeurs et organise, dès 1989, un stage international en invitant son ami Mitsunari Kanai. Cet événement devient un rendez-vous annuel, accueillant des Shihans tels que Yoshimitsu Yamada, Kazuo Chiba, Ichiro Shibata ou encore Tsuyoshi Okuyama. Dix ans après son arrivée, le Mexique compte plusieurs centaines de pratiquants licenciés. En 1995, il fonde sa première école aux États-Unis, le Texas Aikikai à San Antonio. En 1996, il organise le premier Congrès National d’Aïkido à Mexico, où il présente un nouveau projet : Kurita Juku. Ce projet marque une transition importante. Il choisit désormais de ne plus désigner son enseignement sous le terme d’Aïkido, mais sous celui d’Aïki, qu’il juge plus fidèle à la transmission orale qu’il a reçue du Fondateur. En 1997, il fonde une deuxième école au Texas, à Laredo, qu’il confie à Eduardo Hernandez.
Fondation du Kurita Juku Aiki
En 1999, après le décès du Doshu, Kisshomaru Ueshiba, Kurita Sensei fonde officiellement l’école Kurita Juku Aiki, une organisation réunissant ses élèves autour d’une vision unifiée de la pratique. Bien que l’école reste affiliée à l’Aïkikaï, elle collabore activement avec Aikido Un En Kai d’Ichiro Shibata et la Fédération d'Aïkido des États-Unis (USAF), dans le but de promouvoir des stages au Mexique et aux États-Unis. Promu successivement 7ème puis 8ème dan par l’Aïkikaï, il poursuit inlassablement sa mission : transmettre un Aïki fidèle à l’esprit originel de l’enseignement d’O-Sensei, tout en l’adaptant aux exigences du XXIe siècle. Il enseigne quotidiennement, dirige des stages bimensuels au Hombu Dojo de Mexico, et supervise les programmes techniques des 10 dojos affiliés répartis entre le Mexique (3 à Mexico, 3 dans les villes Veracruz, Oaxaca, Cancún), les États-Unis (à New Braunfels, San Marcos, Laredo au Texas), ainsi qu’un dojo associé à Mar del Plata en Argentine.
Legs et héritage
Maître Yutaka Kurita s’éteint le 8 mars 2022, à l’âge de 82 ans. Il fut l’un des derniers uchi deshi encore vivants du Fondateur, et membre du North Shihankai. Pendant plus de 40 ans, il consacra sa vie à l’expansion et à la transmission de l’Aïki sur le continent nord-américain. Jusqu’à son dernier souffle, il resta fidèle à sa mission, guidé par la loyauté, l’humilité, l’exigence et l’amour profond de l’art transmis par Morihei Ueshiba. Kurita Sensei était reconnu pour sa rigueur, son attachement au Reigisaho (étiquette martiale), et pour son enseignement clair, méthodique et exigeant. Il illustrera toute sa vie ses cours de nombreuses anecdotes sur O-Sensei, afin de transmettre la logique et le sens profond des mouvements. Discret de nature, il ne souhaitait pas apparaître sur les photos aux côtés du Fondateur, ce qui explique en partie pourquoi il reste peu connu des pratiquants actuels. Il forma néanmoins de nombreux enseignants, parmi lesquels José Carlos Escobar, Fernando Roman, Gerardo Leija, Jason A. Humphrey, Armando Rivera Garcia, Gresilda Ramon Cruz, Julio Lavore …
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