Biographies des Maîtres
Kiyoshi Nakakura, le « Musashi de l’ère Showa »
Successeur oublié et fils adoptif du fondateur de l'Aïkido durant cinq années, Kiyoshi Nakakura abandonna cette charge pour poursuivre sa carrière en Kendo et devenir l’un des escrimeurs les plus prestigieux du Japon. Disciple du célèbre Hakudo Nakayama, le fondateur de l'Ecole de Iaido Musō Shinden-ryū, Nakakura Sensei reçut de nombreuses récompenses et remporta de nombreux tournois. Officier de police royal, surnommé le "Musashi de l’ère Showa", il connut une longue et brillante carrière sportive et fut un maître de Kendo et Iaïdo reconnu internationalement.
Version intégrale de la biographie parue dans le magazine Self & Dragon Spécial Aïkido n°6 - Juillet 2021.
Descendant d’une famille de Samouraïs
Kiyoshi Nakakura (中倉 清) est né le 24 septembre 1910, dans le village de Higashikushira, situé dans la préfecture de Kagoshima. Il est le troisième fils, sur cinq enfants, d'une famille descendante de Samouraïs devenus agriculteurs après la restauration Meiji. Son père Jikishi décède malheureusement du tétanos quand Kiyoshi n'a encore que cinq ans. Le jeune garçon est alors élevé par ses grands-parents pendant plusieurs années, car sa mère, devenue veuve, rencontre de grandes difficultés.
Doué pour la pratique du Kendo
Doté d'un fort tempérament, Kiyoshi commence la pratique du Kendo, à l’école, dès l’âge de onze ans. Il poursuit l’étude de la discipline au lycée sous la direction de son professeur d’éducation physique. Doué pour la pratique, le jeune Kiyoshi se démarque et progresse rapidement. Il remporte ses premiers tournois locaux puis au niveau préfectoral. Destiné à reprendre l’activité agricole et les terres de son grand-père Gonzo, le jeune homme est censé poursuivre ses études à l’école supérieure d’agriculture et de sylviculture de Kagoshima. Passionné par le Kendo, Kiyoshi préfère intégrer le Daidokan, un collège d’arts martiaux réputé. Son grand-père est tout d’abord réticent à cette idée car il doute qu’il soit possible de vivre dignement de l’enseignement du Kendo. Cependant avec l’aide de son frère ainé instituteur et de son professeur, Kiyoshi réussit à convaincre son grand-père de le laisser partir avec la promesse de vivre son rêve : devenir un Kenshi professionnel.
Une formation ardue au Daidokan Dojo
Encouragé par sa famille et les habitants de son village, Kiyoshi intègre le Daidokan Dojo de Kagoshima en avril 1927. Âgé de dix-sept ans, Nakakura découvre l’austérité de l’entrainement dans cette école privée aux règles strictes. Les jeunes étudiants se lèvent chaque matin à cinq heures et courent jusqu’au dojo pour s’échauffer. Ils s’entraînent trois fois par jour à haute intensité. La pratique est brutale, voire violente. L’enseignement est sous la direction de Kanehiro Maruta Shihan, un professeur extrêmement sévère qui n’hésite pas à réprimander durement ses élèves. Kiyoshi en fait les frais lorsque, par inadvertance, il marche sur le Shinaï d’un camarade. En guise de punition pour ce geste jugé irrespectueux envers la mémoire des samouraïs, son professeur le frappe violemment à plusieurs reprises avec son propre Shinaï, lui hurle qu’il n’arrivera jamais à rien et décide de le renvoyer chez lui sans ménagement. Déterminé, Nakakura refuse de partir et demande une seconde chance à son professeur. Maruta Sensei accepte son pardon et lui demande de présenter ses excuses au Shinaï et de le porter au-dessus de sa tête pendant toute la durée restante du cours. Malgré cette vie rude et difficile, Kiyoshi persévère et obtient son diplôme au bout de deux années de formation éprouvante, respectant ainsi la promesse qu’il avait fait à son grand-père. A la suite de l’obtention de son diplôme, Nakakura part s’installer dans la préfecture de Fukuoka. Grâce à la recommandation de son frère ainé, il est embauché comme professeur de Kendo à l’école Daitosha Kogyo en avril 1929. Kiyoshi poursuit son étude du Kendo au sein de la Dai Nippon Butoku Kai de Fukuoka et se voit décerner le grade de troisième dan pendant l’été. Continuant sa progression en Kendo, il est choisi pour représenter la préfecture de Fukuoka lors du tournoi sportif Meiji Jingu qui se déroule à la fin du mois d’octobre.
La rencontre avec le dieu du Ken
En novembre 1929, Kiyoshi est invité à participer à un voyage à Tokyo organisé par son école le Daidokan. Il profite de cette occasion pour rencontrer le célèbre professeur Hakudo Nakayama, surnommé « Kensei », le dieu du Ken. Poussé par la curiosité de rencontrer le meilleur sabreur du Japon, le jeune homme s’échappe discrètement de l’auberge, où réside le groupe, pour se rendre seul au Yoshinkan Dojo, situé dans le quartier Hongo. Essuyant d’abord un refus, car il n’a pas de lettre d’introduction, il est quand même autorisé à rencontrer le maître lorsqu’il se présente comme élève de Maruta Sensei. Maître Nakayama lui propose de s’entrainer directement avec les élèves présents. Après la séance d’entrainement Nakayama Sensei le questionne sur son avenir. Quand ce dernier apprend que Kiyoshi travaille comme moniteur de Kendo à Fukuoka, il lui propose de venir s’entraîner à haut niveau à Tokyo plutôt que de perdre son temps en province. Respectueux de ses engagements Kiyoshi n’accepte pas immédiatement la proposition du maître mais l’informe qu’il va essayer de revenir dès que possible.
Disciple de maître Nakayama au Yushinkan
De retour dans sa famille pour les fêtes de fin d’année, Kiyoshi consulte son grand-père Gonzo. Convaincu par la détermination de son petit-fils, il lui accorde sa permission ainsi que son soutien financier pour mener à bien son projet. Kiyoshi retourne à l’école de Fukuoka le cinq janvier, et demande audience au directeur pour solliciter la permission de quitter son emploi. Ce dernier essaie de le retenir mais n’arrivant pas à contrôler son impatience, Kiyoshi décide de s’éclipser en secret la nuit même. Il part pour la capitale avant le lever du jour et marche deux heures jusqu’à la gare la plus proche avec son équipement de Kendo sur l’épaule. Grâce à la recommandation de Maruta Sensei et au soutien financier de son grand-père, le jeune homme, âgé de dix-neuf ans, s’installe à Tokyo pour intégrer le Dojo privé de Nakayama Sensei en janvier 1930. Expert en Kendo (10ème dan), Iaido (10ème dan) et Jodo, maître Nakayama est le premier homme à s’être vu décerner le titre de Shihan dans trois disciplines par le Nippon Butokukai. Soke de l’école de Kenjutsu Shindo Munen, il est également le fondateur du style de Iaido Muso Shinden Ryu. Très populaire, Hakudo Nakayama est probablement l’artiste martial le plus influent du Japon au cours des années vingt et trente. Il parcourt le pays pour enseigner dans les universités, les postes de polices, les bases et académies militaires, les institutions gouvernementales et même au palais impérial. Il compte des milliers d’étudiants parmi lesquels de nombreux politiciens, des officiers militaires, des policiers et des éducateurs. Le Yushinkan fait partie des quatre grands dojos de Kendo de Tokyo avec le Meishinkan, le Kodogikai et le Noma dojo. Autrefois, salle d'entraînement exclusivement pour le Shindo Munen Ryu et le Gekiken, le Yushinkan est devenu un dojo pour l’enseignement de plusieurs arts martiaux sous la direction d’Hakudo Nakayama. Distillant une forme traditionnelle du Kendo composée de techniques intenses au corps à corps, de frappes, de projections et de travail au sol, la pratique combative y est rude et accrocheuse. Il n’est pas rare que des élèves soient transportés sur une civière à la fin d’une session d’entrainement.
Des débuts remarqués
Bien aidé par la rudesse de sa formation au Daidokan, Kiyoshi effectue des débuts remarqués au Yushinkan. Sûr de lui et de ses compétences martiales, invaincu jusqu’à présent, Kiyoshi n’a aucune crainte d’affronter les pratiquants de Tokyo. Peu de temps après son arrivée, il sollicite directement un match avec Gorozo Nakajima alors instructeur assistant de Kendo du département de la police métropolitaine. Trouvant le nouveau venu trop arrogant, Jun'ichi Haga, instructeur assistant de la Garde Impériale, connu pour son fort tempérament, accepte de s’entrainer avec Kiyoshi en pensant lui donner une bonne leçon. Sous le regard de Nakajima, les deux hommes luttent à armes égales au cours d’un échange de plus en plus violent, à la limite d’un réel combat, obligeant Nakayama Sensei à s’interposer pour les séparer. Ce combat sans vainqueur donne naissance à une longue amitié entre ces trois jeunes prodiges aux compétences presque égales. A l’automne 1930, Nakakura fait partie de l’équipe des trois représentants du dojo engagés dans le Kodansha Yusho Shiai. L’équipe remporte le tournoi en battant en finale l’équipe de la garde impériale. Ce triomphe marque le début d’une série de victoires du trio surnommé Sanbagarasu, littéralement les trois corbeaux, l’équivalent japonais des trois mousquetaires. En fin d’année, Kiyoshi participe pour la première fois aux traditionnels matchs de classement, organisés deux fois par an au Yushinkan Dojo. Il bat à cette occasion seize adversaires d’affilée.
Membre de la garde impériale
Probablement en raison de son caractère singulier, Junichi Haga est transféré de la garde impériale au département de la police métropolitaine en avril 1931. Repéré par le département de police du palais impérial, Kiyoshi Nakakura se voit offrir la possibilité d’intégrer la prestigieuse Garde Impériale du Japon. Ce dernier accepte la proposition le 15 avril 1931. Il devient officier de police du palais impérial au sein de cette branche de l'armée japonaise chargée de la protection de l'empereur, de sa famille, des palais et de toutes autres propriétés impériales. Poursuivant sa carrière de Kendo, il reçoit un certificat de perfectionnement de la Dai Nippon Butoku Kaï en mai et remporte le mois suivant, le tournoi opposant le département de la Police métropolitaine de Tokyo à la Garde Impériale après avoir battu huit adversaires d’affilée. Nakakura s’entraine trois fois par jour et obtient d’excellents résultats dans les tournois suivants voyant sa renommée croitre au rythme de ses victoires.
Morihiro le successeur désigné de maître Ueshiba
Tout juste âgé de vingt ans, Kiyoshi Nakakura est pressenti par son maître, Hakudo Nakayama, pour rencontrer Morihei Ueshiba alors à la recherche d’un successeur. Maître éminent d’Aïki Budo, ce dernier l’a sollicité pour lui présenter l’un de ses meilleurs étudiants car il estime que son art se rapproche plus du Kendo que du Judo. La mort prématurée de ses deux premiers garçons a laissé Ueshiba Sensei avec pour seul héritier, son jeune fils Kisshomaru seulement âgé d’une dizaine d’années. Prévoyant, Maître Ueshiba souhaite marier sa fille Matsuko, âgée d’une vingtaine d’année, à un Budoka convenable pour perpétuer son art et son nom. Kiyoshi accepte la proposition après avoir reçu l’assurance de pouvoir continuer la pratique du Kendo. Les deux maîtres organisent le mariage et Kiyoshi prend pour épouse Matsuko en octobre 1932. Cette union est célébrée en présence de son tuteur Maître Nakayama et de l’Amiral Takeshita. Comme il est de coutume au Japon à cette époque, Kiyoshi devient alors le fils adoptif du maître, son successeur désigné et prend le nom de Morihiro Ueshiba. Kiyoshi est à l’origine de son nouveau prénom composé de deux caractères chinois venant chacun des prénoms de ses maîtres. Le premier « Mori », qui peut se lire Sei, vient d’un maitre célèbre Seiji Mochida. Le second « Haku », peut se lire Hiro et viens de maître Hakudo Nakayama. Morihiro débute la pratique avec son père adoptif et intègre le Kobukan dojo, inauguré l’année précédente. Il partage ainsi le quotidien des jeunes disciples du maître que sont Tsutomu Yukawa, Kaoru Funahashi, Masahiro Hashimoto, Shigemi Yonekawa, Rinjiro Shirata et Zenzaburo Akazawa.
Du Kendo au sein du Kobukan
Respectant sa parole, maitre Ueshiba accepte la création d’une section de Kendo au sein du Kobukan dojo. Des cours de Kendo et de Iaido sont ainsi proposés au même titre que les cours d’Aïkido. Parmi les disciples d’O Sensei, Shirata, Hashimoto et Funahashi rejoignent le club. Ses amis proches, Haga et Nakajima rendent régulièrement visite à Morihiro au dojo Ueshiba pour s’entraîner. Les membres du Kobukan Kendo Club commencent à participer à des compétitions et obtiennent de bons résultats. Ils remportent notamment le championnat du Kodo Gikai Kendo. Bien qu’il soit souvent présent au Kobukan et profite de l’hospitalité de la famille Ueshiba, Haga ne suit pas l’enseignement d’O Sensei car il doute de ses capacités combatives. Pensant qu’il utilise la célèbre technique de Judo Kukinage, Jun'ichi sollicite l’aide de Morihiro pour le mettre à l’épreuve par surprise. Ils l’attaquent simultanément avant le début de l’entrainement, l’un frappant de l’avant et l’autre par derrière. Malheureusement pour eux, leur entreprise échoue car Ueshiba Sensei évite leurs frappes coordonnées, projette son fils adoptif et immobilise Haga sur le tatami. Cette proximité avec des Kendokas conduit O Sensei à développer un vif intérêt pour l'étude des techniques du sabre et à entretenir des relations plus régulières avec les maitres de l’époque. Proche d’Hakudo Nakayama depuis le début des années trente, par l’intermédiaire de la société de développement des Kobudo (Kobudo Shinko Kai) de Jigoro Kano, il lui propose d’intégrer le comité directeur du Budo Sen'yokai dès sa création en 1932. Maitre Ueshiba se lie également d’amitié avec le grand maître Sasaburo Takano, alors qu’ils sont tous deux membres du comité de développement du Budo (Budo Shinko Iinaki). C’est par l’intermédiaire de son fils adoptif qu’il fréquente Seiji Noma, le fondateur de la maison d’édition Kodansha. Son fils Hisashi est un jeune prodige du Kendo et un ami proche de Morihiro. L’admiration d’Hisashi pour maître Ueshiba, le conduira à réaliser une série de mille photographies de ses techniques, au Noma Dojo, en 1936.
Séparation avec la famille Ueshiba
Surnommé Waka Sensei, Morihiro Ueshiba s’entraine avec enthousiasme à la pratique de l’Aïki Budo. Il dirige en parallèle le club de Kendo et de Iaido du Kobukan et poursuit sa brillante carrière en compétition. Il se classe second au tournoi Yoshikai en novembre 1932 puis remporte la huitième édition du tournoi de Kendo Meiji Jingû en novembre 1933. En juillet 1934, il prend retraite de la Garde Impériale pour se concentrer plus particulièrement sur l'étude de l'Aïki Budo et accepte les postes d'instructeur des clubs de Kendo de l’Université d’éducation physique et de l'Université de commerce Hitotsubashi de Tokyo. En mai 1935, Morihiro gagne le prestigieux Saineikan Kendo Taikai après quatre victoires consécutives en finale. Ce tournoi, organisé par le club de Kendo de la garde Impériale, regroupe les cinq meilleurs combattants de Kendo du Japon. Ne partageant pas la vision religieuse de la famille Ueshiba, Morihiro voit le « second incident Omoto-Kyo » menacer la position de son père adoptif en décembre 1935. Au moment des évènements, les époux Ueshiba se trouvent à Kyoto et Morihiro est resté seul à Tokyo avec le jeune Kisshomaru. Inquiet pour sa famille adoptive, qui pourrait potentiellement être accusée de haute trahison envers l’empereur, il prend la décision de retirer les divinités Omoto des autels du dojo et de bruler les calligraphies peintes par Onisaburo Deguchi, le leader de cette secte et maître spirituel de Morihei Ueshiba. Grace à ses appuis, O Sensei ne sera finalement pas inquiété et ne tiendra pas rigueur à son gendre pour son geste. Après plusieurs années de pratique et malgré de nombreux efforts, Morihiro pense ne jamais arriver à maitriser les techniques d’Ueshiba Sensei et ne pas être capable de lui succéder. Il reprend son poste d’officier de Police au palais Impérial en octobre 1936 et sollicite l’aide de Nakayama Sensei pour quitter la famille Ueshiba. Après cinq années d’un mariage sans enfant, le couple divorce officiellement en septembre 1937. Kiyoshi abandonne son nom d’adoption et sa position de successeur d’Ueshiba Sensei pour poursuivre sa carrière de Kendoka.
Une nouvelle vie
Kiyoshi prend en seconde épouse, Masako Hirose, le 9 avril 1939. Les noces se déroulent dans son village natal de Higashikushira. Par la suite, le couple loue une maison à Tokyo dans le quartier Koishikawa. Leur union donnera naissance à trois garçons et une fille, tous futurs compétiteurs de Kendo. Kiyoshi poursuit sa brillante carrière. Après avoir remporté le tournoi impérial Yoshikai Renshi en 1938, il devient le plus jeune professeur de l’histoire à être promu au grade de Kyoshi de Kendo en mai 1939. Il a seulement vingt-neuf ans. En 1940, il est le plus jeune participant du tournoi Miyazaki Jingu et remporte à nouveau le tournoi impérial Yoshikai Renshi. Fin 1941, le Japon déclare la guerre aux États-Unis déclenchant ainsi la guerre du Pacifique et le départ pour le front de nombreux pratiquants. À partir de novembre 1944, les Américains bombardent intensément l'archipel nippon. Les entrainements de Kendo sont suspendus et Nakakura décide d’éloigner sa famille de la capitale le temps des hostilités.
La seconde guerre mondiale
La défaite du Japon en 1945 porte un coup sévère aux arts martiaux japonais en général et au Kendo en particulier, responsables selon les vainqueurs américains de véhiculer une idéologie militariste. Dans un Japon sous occupation américaine, le chaos laisse peu à peu la place à la reconstruction. Si le Kendo est interdit dès 1946, sa pratique sportive se poursuit sous le nom de compétition au shinai (Shinai Kyogi). Après la guerre, la police impériale est rattachée à la police métropolitaine par les autorités. Nakakura est alors promu au poste d'assistant inspecteur de la police métropolitaine en juillet 1946. Kiyoshi décide de prendre sa retraite de la police pour retourner vivre à Kagoshima en juin 1947. De retour dans sa province natale, il vit de l’agriculture et de l’élevage. Loin des forces d’occupation, il peut s’entrainer à nouveau au Kendo sans être surveillé. Pendant des travaux aux champs, il se fracture la cheville gauche en tombant d’une charrette à bœuf en mai 1951. Sa blessure est sérieuse et les médecins sont pessimistes sur ses chances de rétablissement.
Le Musashi de l’ère Showa
Le 28 avril 1952 marque la fin de l’occupation américaine et le rétablissement de la souveraineté Japonaise. La Fédération Japonaise de Kendo (Zen Nippon Kendo Renmei) est fondée immédiatement après la levée de l'interdiction des arts martiaux au Japon. En mars 1952, Nakakura Sensei obtient un emploi d’instructeur de Kendo à Takayama, une ville située dans la préfecture de Gifu. Il est ensuite nommé officier de Police à Kagoshima un an plus tard. De retour à la compétition en 1953, malgré sa blessure à la cheville, il remporte le tournoi de Kendo de la police de la préfecture de Kagoshima et participe au premier tournoi des officiers de la police nationale. Sa défaite au second tour du premier championnat de Kendo du Japon, contre Kazutoshi Noma en novembre 1953, marque la fin de son incroyable série de soixante-neuf victoires consécutives en match officiel. Par la suite, Nakakura Sensei participe brillamment à de nombreux tournois de Kendo. Il gagne « le tournoi de Kyoto » en Mai 1954 et remporte quatre fois d’affilée le « tournoi national Est-Ouest du Japon » de 1954 à 1957. Kiyoshi établi un record de neuf victoires consécutives au cours de ces tournois Est-Ouest et gagne le surnom de Musahi de l’ère Showa. Performance remarquable quand on sait qu’il souffre de myopie et qu’il pratique sans lunettes sous son Men (casque). Nommé instructeur à l'Académie de police de la préfecture de Kagoshima en mars 1955, il poursuit sa carrière sportive avec talent et remporte plusieurs prix prestigieux.
Hauts grades et fonctions officielles
La fédération Japonaise de Kendo lui décerne le grade de huitième dan de Kendo en mai 1959. Agé de quarante huit ans, il devient le plus jeune Kenshi de l’histoire à se voir attribuer ce haut grade. Il est ensuite élevé au rang de Shihan en mai 1962, devenant également le plus jeune Kendoka à obtenir ce titre. Maître respecté, maître Nakakura est élu Président de la Fédération de Kendo de la Préfecture de Kagoshima en avril 1960 et devient membre du Conseil d’Administration de la Fédération Japonaise de Kendo. Il est nommé Directeur de la Fédération Japonaise de Kendo en avril 1963. En parallèle de ses fonctions fédérales, il continue la compétition et remporte trois nouveaux tournois nationaux de Kendo Est-Ouest du Japon en 1963, 1966 et 1967. Nakakura Shihan à l'honneur de participer à une exhibition de Kendo aux Jeux Olympiques de Tokyo en 1964. Au cours des années suivantes, il occupe différents postes. Il est nommé professeur de Kendo à l’école de Police du district de Kanto en août 1966, puis conseiller pour la Fédération de Kendo de Tokyo en juin 1968.
Maitre international
Membre éminent du Kendo nippon, maître Nakakura fait partie du groupe de professeurs de haut niveau qui visitent huit pays européens, en septembre 1969, pour préparer la création de la Fédération Européenne de Kendo. En 1971, il est nommé directeur de l’équipe du Japon en préparation de la deuxième édition des championnats du monde de Kendo. Par la suite, il occupe le poste d’instructeur en chef de Kendo au sein de plusieurs institutions : l’université Hitotsubashi en 1971, la fédération de Kendo de la ville de Higashimurayama en avril 1975, l’université Chuo en 1977 et l’école médicale du ministère de la défense en 1980. Nakakura Sensei prend sa retraite professionnelle en tant que professeur de l'académie de Police du district de Kanto en juillet 1976 mais reste professeur émérite. Il officie également comme conseiller du magazine « Kendo Japan » en 1976 et retourne en Europe pour assister aux Championnats d'Europe de Kendo qui se déroulent à Bruxelles. A la fin des années soixante-dix, Kiyoshi Nakakura fait partie des plus grands escrimeurs du Japon. Il est le plus jeune maître à recevoir le grade de neuvième dan de Kendo en 1978 puis est élevé au rang de Shihan de Iaïdo l’année suivante. Il est nommé directeur de la Fédération Internationale de Kendo en Juillet 1979 et se voit décerner le grade de neuvième dan de Iaido en 1983. Célèbre dans tout l’archipel, une statue de bronze à son effigie est érigée dans sa ville natale en 1981.
Dernières années
À la demande du ministère des affaires étrangères et des fédérations internationales, Maître Nakakura voyage sur tous les continents pour développer le Kendo mondial. Faisant preuve d’une vitalité extraordinaire malgré un âge avancé, il se rend en Angleterre, en France, en Italie, aux Pays-Bas, en Belgique, en Australie, à Taïwan, au Brésil, en Argentine, au Pérou, au Mexique et à Hawaï où même à plus de soixante-dix ans, il reste imbattable en match. Pratiquant toujours avec passion à haut niveau, il participe au cinquième championnat de Kendo, qui se déroule au Brésil en 1982, dans la catégorie Iaïdo. En 1984, il se voit proposer un combat d’exhibition contre cinq adversaires à l’occasion du vingtième anniversaire du Budokan de Tokyo. Nakakura Shihan sort victorieux des cinq combats qu’ils l’ont vu tour à tour affronter deux maîtres huitième dan ainsi que les trois derniers champions de Kendo du Japon. Dirigeant actif, il est à la tête de la délégation Japonaise à l’occasion des sixièmes championnats du monde de Kendo, qui se déroule à Paris, en 1985. En 1987, maître Nakakura est sollicité par Stanley Pranin, rédacteur en chef du magazine Aiki News, pour une interview. Leur entretien paraitra également dans le recueil d’interviews menées par l’historien américain intitulé "les maîtres de l’Aïkido, période d’avant-guerre". Nakakura Sensei révèle aux cours de leurs échanges qu’il pense que c’est grâce à l’Aïkido qu’il n’a jamais perdu son calme devant aucun adversaire. Maître Nakakura devient le conseiller technique de la Fédération Japonaise de Kendo en juin 1990 puis de la Fédération de Kendo de Tokyo en juin 1991. A partir de 1992, il se rend chaque année en Belgique pour superviser un important séminaire européen de Kendo et d'Iaïdo ainsi qu’une importante compétition intitulée "Coupe Nakakura" en son hommage. Récompensé du prix du Conseil Japonais des Arts Martiaux pour son action exceptionnelle en 1992, il devient maître conférencier à l’académie de Police en avril 1995. Maître Nakakura reste professeur de Kendo à l’université Hitotsubashi et pratique régulièrement jusqu'en 1999. Année où il place un sabre en bambou au Kamiza et se retire de l’entrainement à l’âge de quatre-vingt-huit ans. Après une vie exceptionnelle qui l’aura vu devenir l'un des plus grands maîtres de sabre du vingtième siècle, Kiyoshi Nakakura s’éteint paisiblement le 9 février 2000 à l’âge de quatre-vingt-neuf ans.
Son histoire est l’objet d’un livre d’Akihiko DOMOTO intitulé "Un diable d’homme".
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