Biographies des Maîtres
Noriaki INOUE, le premier disciple d'Ueshiba
Noriaki Inoue fut le premier disciple de Morihei Ueshiba. Il passa une grande partie de sa jeunesse dans sa famille et vécu longtemps avec son oncle de dix neuf ans son aîné. Partenaire, assistant puis instructeur confirmé, Maître Inoue est étroitement lié au développement spirituel et technique de l'art d'O Sensei. Il fut même, pour un temps, pressenti pour devenir son successeur. Il fut évincé des récits officiels de l’Aïkido suite à de fréquentes disputes avec son oncle. Grand oublié de l’histoire, Noriaki Inoue est quasiment inconnu de la plupart des pratiquants modernes. Son soutien et l'influence de sa famille dans la réussite de l’œuvre de Maître Ueshiba ont été réhabilités grâce au remarquable travail de recherche de Stanley Pranin.
Cette biographie est parue dans le magazine Dragon Spécial Aïkido n°22 d'octobre 2018.
Noriaki Inoue (井上鑑昭) est né le 3 Décembre 1902 à Tanabe dans la préfecture de Wakayama. Originaire d’une riche famille de négociants, il est le quatrième enfant de Zenzo Inoue et de Tame Ueshiba, la sœur aînée de Morihei Ueshiba.
Les familles Inoue et Ueshiba sont très liées. Au delà des liens du sang, elle partagent des buts communs que ce soit dans le commerce ou dans la gestion des affaires familiales.
En 1911, le grand-père maternel de Noriaki, Yoroku Ueshiba, avec le soutien de son beau-fils Zenzo Inoue, décide d’inviter à Tanabe un jeune instructeur de Judo du Kodokan, Kiyochi Takagi. Leur idée est de canaliser les énergies de leurs garçons respectifs. Ainsi Morihei, Noriaki, ses frères et d'autres jeunes du quartier s'initient à la pratique du Judo pendant leur temps libre jusqu'au départ de Takagi Sensei deux années plus tard.
Noriaki est un adolescent au caractère rebelle et son indiscipline le conduit à être renvoyé du collège dès sa première année, en 1914. Son père décide alors de l'envoyer rejoindre son oncle Morihei, parti vivre à Shirataki, au nord-est de l'île Hokkaido, pour une expédition de colonisation financée par la famille Inoue.
La découverte du Daïto-Ryu de Sokaku Takeda
En février 1915, Noriaki est au côté de Morihei lors de sa rencontre avec Sokaku Takeda, dans le village d'Engaru. Noriaki est trop jeune pour participer au premier cours mais à la chance de pouvoir observer les techniques de cet expert du Daïto-Ryu Aikijujutsu.
Par la suite, le jeune Inoue refuse de devenir l'élève de ce maître à l'air austère et préfère étudier les techniques du Daïto-Ryu auprès de son oncle. Noriaki s'entraîne régulièrement avec Morihei et l'accompagne à plusieurs reprises dans ses déplacements auprès de Maître Takeda.
Morihei se passionne pour le Daïto-Ryu et souhaite l'étudier à plein temps, son père Yoroku et le père de Noriaki, Zenzo Inoue, accèdent à sa demande en finançant la construction d'un dojo à Shirataki. Ils versent également d'importants émoluments mensuels à Sokaku Takeda pour son enseignement à domicile.
L'influence de l'Omoto-Kyo
En 1920, Noriaki part vivre à Kameoka pour rejoindre l'importante communauté religieuse de l'Omoto-Kyo. Converti à cette secte, qu'il à découvert lors d'une conférence, le jeune homme âgé de 18 ans, s’implique profondément dans son étude et se consacre totalement à son leader, le révérend Onisaburo Deguchi.
Noriaki invite, avec enthousiasme, son oncle à le rejoindre dans la communauté des croyants Omoto. Morihei et sa famille rejoignent ainsi le mouvement à Ayabe au printemps suivant.
Noriaki reprend la pratique du Budo auprès de son oncle. Morihei, ayant reçu un diplôme d'instructeur du Daïto-ryu de Maître Takeda, a acquit une maîtrise remarquable de cet art pendant ses années d'études. Maître d'arts martiaux très apprécié par le révérend Deguchi, il dispense désormais son enseignement aux membres de l'Omoto dans un petit dojo installé dans sa maison, le Ueshiba juku.
Peu de temps après l’arrivée du couple Ueshiba à Ayabe, leurs deux fils décèdent tragiquement de maladies infantiles. La question de la succession de Morihei se pose alors. Les chefs des familles Ueshiba et Inoue envisagent de marier Noriaki à Matsuko, la fille de Morihei, afin qu'il devienne son héritier martial. Aucunes des deux parties n'est intéressé par cette idée, qui sera abandonnée après la naissance d'un troisième fils, prénommé Kisshomaru, en 1921.
Après trois années passées au sein de la secte, le révérend Deguchi autorise Noriaki à retourner dans sa ville natale de Tanabe. Il y enseigne le Budo puis entame un entraînement itinérant (musha shugyo), dans la préfecture de Wakayama, pour tester ses compétences martiales.
Les débuts de l'Aïki-Jujutsu à Tokyo
Le Budo de Maître Ueshiba commence à se faire connaître. Des membres importants de la marine impériale le soutiennent et l'invitent à démontrer son art à Tokyo en 1925. Convaincu de son génie martial exceptionnel, l'Amiral Takeshita joue un rôle primordial dans la promotion de son activité parmi l’élite de la société tokyoïte.
Morihei et Noriaki effectuent ainsi plusieurs voyages dans la capitale pour donner des séminaires à de nombreux officiers militaires, des politiques, des hommes d'affaires et des intellectuels fortunés. Noriaki décide de s'installer à Tokyo pour y enseigner les arts martiaux à temps plein. Il sollicite le soutien de sa famille qui, bien que réticente dans un premier temps, l'aide à s'installer dans la capitale.
A Tokyo, Noriaki participe activement à la propagation du Budo de son oncle pendant que ce dernier effectue les trajets depuis Ayabe jusqu’à son déménagement en 1927.
Pendant trois années, les deux hommes officient ensemble dans diverses entreprises et institutions militaires. L'enseignement de l'Aïki-Jujutsu aux éminents dignitaires se succède dans des lieux temporaires dans les quartiers Ozeki, Mita, Shiba et enfin Mejrodai. Morihei étant souvent malade et affaibli à cette époque c'est Noriaki, en tant qu'instructeur assistant, qui prend en charge la plus grande partie des tâches d'enseignement.
Au fil des ans la réputation de Morihei se répand de bouche à oreille et entraîne la nécessité de construire un dojo permanent. Des dons affluent de contributeurs fortunés parmi le cercle d'élèves de Maître Ueshiba mais également de la famille Inoue. Koshiro, le frère du père de Noriaki, fait une importante dotation pour la construction du nouveau dojo.
Le dojo privé d'Ueshiba Sensei, intitulé Kobukan, voit le jour en avril 1931 dans le quartier de Shinjuku. Noriaki réside au dojo avec les uchi deshi et continue d'assister son oncle dans son enseignement et dans ses démonstrations notamment à l'académie militaire, à l'école de la police militaire, à l'école navale des transmissions, à l'école des mécaniciens de la marine et à l'université militaire. Il est considéré à cette époque comme son disciple le plus qualifié et le représente régulièrement.
Noriaki instructeur confirmé
A la demande d'Onisaburo Deguchi, une association nationale pour la promotion des arts martiaux, appelée Dai Nippon Budo Senyokai, est fondée en août 1932. Cette société, créée sous les auspices de l'Omoto-Kyo, à pour but la promotion de l'enseignement de Maître Ueshiba parmi les disciples de la communauté religieuse. Inoue Sensei est nommé instructeur en chef du Budo Senyokai de Kameoka, le siège administratif de l'Omoto.
L'enseignement de Maître Inoue rayonne dans les régions de Kyoto et d'Osaka ou il fonde plusieurs dojos. Au total, soixante-quinze dojos affiliés au Budo Senyokai sont finalement créés, contribuant grandement a la diffusion de l'Aïki-Jujutsu dans tous le Japon.
En 1933, les activités de Budo Senyokai le conduise également à donner des séminaires en territoire étranger sous occupation japonaise. En compagnie d'Aritomo Murashige, Noriaki enseigne à l'école d'élite Japonaise Daido Gakuin, située en Mandchourie, ainsi qu'en Corée.
A la même époque, Maître Ueshiba est sollicité par un responsable du Journal Asahi d'Osaka, alors victime d'attaques par des militants d'extrême droite. Basé à Osaka, c'est Inoue Sensei qui dispense le premier cours au journal en 1934.
L'oncle et le neveu prennent leurs distances
Une rupture intervient entre les deux hommes suite aux évènements qui marquèrent le second incident de la secte Omoto survenus en décembre 1935. Le gouvernement militaire japonais ordonne brutalement la suppression de cette mouvance religieuse devenue trop gênante avec ses nombreux pratiquants. Onisaburo Deguchi, sa femme et plusieurs autres dirigeants Omoto, sont arrêtés et condamnés pour avoir troublé la paix et commis des crimes de lèse-majesté envers l'empereur. Leurs lieux de cultes sont détruits, leurs biens saisis et leur organisation dissoute.
Le Budo Senyokai démantelé, Maître Ueshiba échappe de peu à l'arrestation et se voit contraint de rompre ses relations avec la secte pour ne pas être inquiété. De son côté Noriaki n'est pas arrêté, car il n’est pas une personnalité importante de l'Omoto-Kyo.
Noriaki accuse Morihei de trahir la cause de la secte en ne partageant pas le destin funeste de ses dirigeants. L'oncle et le neveu s'éloignent l'un de l'autre avec un ressentiment mutuel.
Par la suite, les deux hommes ne se retrouvent qu'occasionnellement, comme en 1940, à l'occasion d’une importante manifestation d'arts martiaux organisée en Manchourie. Morihei y effectue une démonstration de son art avec pour partenaire Shigemi Yonekawa et son neveu Noriaki Inoue !
L'après guerre et la création du Shin'ei Taïdo
Après la seconde guerre mondiale, Inoue Senseï continue d'enseigner l'Aïki-Jujutsu devenu Aïki-Budo à Tokyo, indépendamment de Maître Ueshiba. Il distille d'abord son art aux officiers de l'U.S Air Force à la base de Tachikawa puis après la guerre de Corée, il entraîne plusieurs dizaines de membres du renseignement militaire américain dans son dojo personnel.
Entre le milieu des années 50 et au début des années 60, il effectue deux voyages à l'étranger visitant Hawaï, Los Angeles et le Mexique.
En 1956, il donne une démonstration publique au Yomiuri Hall et nomme pour la première fois son art Shinwa Taïdo, littéralement la voie de l’affinité physique. Noriaki renomme son art Shin'ei Taïdo quelques années plus tard.
Au cours de cette période, Inoue Sensei enseigne son art au célèbre Karateka Shigeru Egami, fondateur du Shotokaï-Ryu. Cet expert, disciple directe de Gichin Funakoshi est fortement influencé par son enseignement de l'énergie vitale et sa circulation dans le corps humain.
La réhabilitation grâce à Stanley Pranin
En 1981, Inoue Sensei est sollicité par Stanley Pranin, rédacteur en chef du magazine Aïki News, pour un entretien centré sur l'histoire de l'Aïkido. D'abord réticent, Maître Inoue accepte la proposition à la seule condition que ce dernier se présente avec des anciens du Kobukan dojo ! C'est donc accompagné de Shigemi Yonekawa et de Zenzaburo Akazawa que le journaliste et historien américain recueille le précieux témoignage du vieux maître.
Une fructueuse collaboration naîtra entre les deux hommes et sera à l'origine d'une série de quatorze interviews s'étalant jusque fin 1988 et de plusieurs films tournés dans les dojos de Kameoka et de Nakano. Enfin, le 24 avril 1988, Aïki News parraine une manifestation de Shin'ei Taïdo à Tokyo. Cet événement est une réussite avec la présence de plus de cinq cent personnes.
Profondément croyant et attaché à l’enseignement Omoto, Noriaki s'occupe d'un petit groupe d'adeptes à Kunitachi jusqu'à son décès survenu le 13 avril 1994, à l’âge de 92 ans.
Maître Inoue utilisa plusieurs noms tout au long de sa vie : Kitamatsumaru (1902), Yoichiro (1909), Yoshiharu (1920), Seisho (1940), Hoken (1948), Teruyoshi (1971), et Noriaki (1973).
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