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Histoire de l'Aïkido au cinéma
Dans cette seconde partie consacrée au cinéma, je vous propose d'aborder l'histoire de l'Aïkido sur grand écran. Si les arts martiaux sont souvent à l'honneur dans l'histoire récente du septième art, l'Aïkido est un art martial peu mis en valeur dans les films d'action. Son apogée débute à la fin des années quatre vingt grâce à l’introduction de ses techniques par Steven Seagal à Hollywood, tout d'abord coordonnateur puis acteur. Voici un petit tour d'horizon pour les Aïkidokas cinéphiles et les amateurs des deux arts...
1975 - Les débuts : Gekitotsu ! The power of aïkido
L'histoire de l'Aïkido au cinéma débute naturellement au Japon, avec "Gekitotsu". Ce film réalisé par Shigero Ozawa, avec le karatéka Sonny Chiba dans le rôle titre de Maître Ueshiba, sort en 1975. Si le film ne brille pas par sa qualité, on peut malgré tout apprécier, en séquence d’ouverture, une belle démonstration du Doshu Kisshomaru Ueshiba suivie d'une séquence tournée au Hombu Dojo où l’on aperçoit furtivement Seigo Yamaguchi. Très romancé et éloigné de la réalité, ce premier film centré sur la vie du Fondateur et son art ne rencontre pas le succès auprès du grand public.
1982 - The Challenge ou les prémices de l'Aïkido sur grand écran
"The challenge" est un thriller américain réalisé par le réputé John Frankenheimer en 1982. Le film met en vedette le légendaire Toshiro Mifune et Scott Glenn, dans l'un de ses premiers grands rôles. Bien qu'il n'apparaisse pas à l'écran, ce film marque les premiers pas d'un certain Steven Seagal à Hollywood. Haut gradé de la discipline formé au Japon, ce dernier coordonne plusieurs scènes d'action basées sur les techniques d'Aïkido avant le début de sa propre carrière cinématographique. On peut notamment apprécier les techniques kote gaeshi et shiho nage réalisées par Scott Glenn dans la première vidéo suivi de kaiten nage et irimi nage subi par ce dernier dans le second extrait.
1987 - Yamada Sensei dans Masterblaster
Célèbre maître d'Aïkido, délégué de l'Aïkikaï aux USA depuis 1964, Yoshimitsu Yamada interprète son premier et unique rôle au cinéma en 1987. Il joue le personnage de Yamada (!) dans un film d’action américain intitulé "Masterblaster" ou l'exterminateur en français. Réalisé par Glenn Wilder, ce film de série B connaît une diffusion quasi confidentielle et ne laisse pas un souvenir inoubliable aux cinéphiles.
1988 - Nico, le film qui révéla Steven Seagal au grand public
Depuis la sortie du film "The Challenge", Steven Seagal a ouvert un dojo d'Aïkido à Los Angeles avec à sa tête Haruo Matsuoka, son ancien uchi deshi d'Osaka. A Hollywood, Seagal officie en tant que coordonnateur de films d'action et entraîne notamment Sean Connery pendant la préparation du James Bond "Jamais plus jamais" tourné en 1983. Une légende hollywoodienne raconte que Seagal aurait cassé le poignet de Sean Connery au cours d'un entrainement...
La carrière cinématographique de Seagal, démarre avec le film américain "Nico (Above the law)", où il partage l'affiche avec Sharon Stone et Pam Grier. Seagal devient ainsi le premier acteur/artiste martial à utiliser l'Aïkido lors des scènes de combat dans une production bénéficiant d'une diffusion mondiale. Très impliqué dans ce film (scénariste, co-producteur, acteur et chorégraphe), Seagal est au sommet de son art (pas de doublure) et de sa forme. A mille lieu de la philosophie de Maître Ueshiba, il joue le rôle de Nico Toscani, un flic violent agissant au dessus des lois pour démanteler un cartel de la drogue dans les bas fonds de Chicago. Dans ce polar urbain, réalisé par Andrew Davis, Seagal livre des scènes d'actions novatrices pour l'époque et sa maîtrise de l'Aïkido fait une forte impression sur la pellicule. Le film débute notamment par une scène d'ouverture explosive où l'on peut apercevoir Haruo Matsuoka parmi les pratiquants.
Steven Seagal et ses techniques d'Aïkido, star des films d'action des années 90
Malgré le succès moyen de son premier film (18 millions de dollars au box-office américain), l'acteur signe un contrat avec la société Warner Bros pour trois films supplémentaires. En 1990, Seagal joue dans "Échec et Mort (Hard to Kill)", et "Désigné pour Mourir (Marked for Death)", édité par la 20th Century Fox. En 1991, il joue dans "Justice Sauvage (Out for Justice)". Ses trois films sont des succès au box office et font de lui une star des action movies aux USA. En 1992, il retrouve Andrew Davis pour le film "Piège en haute mer (Under Siege)", où il interprète son rôle le plus célèbre : Casey Ryback, un marin cuisinier ancien membre des navy seal. Ce film est un succès aux États-Unis comme à l'étranger et engendre 156,4 millions de dollars de recette, ce qui en fait son film ayant le plus de succès après Nico.
Ce dernier film marque l'apogée du succès de Steven Seagal au box-office mondial. Malgré sa grande brutalité et sa violence excessive, en totale contradiction avec la philosophie de notre art, l'Aïkido dynamique et efficace démontré par Seagal concoure grandement à développer sa popularité dans le monde entier. A travers ses différentes scènes d'actions, Seagal démontre un panel varié de techniques à mains nues, aux armes et même en suwari waza ! Par l'intermédiaire de ses premiers films, il suscite l'envie de pratiquer l'Aïkido chez un très grand nombre de personnes.
1993 - "Soleil levant" avec Sean Connery, 2ème dan d'Aïkido !
Après les excellents polars américains "The Yakuza" et "Black Rain", traitant des liens et des différences culturelles entre les États-Unis et le Japon à travers la pègre japonaise et le mythe des yakuzas, "Soleil levant (rising sun)" sort dans les salles en 1993. Réalisé par Philip Kaufman, ce film met en vedette Sean Connery et Wesley Snipes. Pauvre en scène d'action, le film nous offre tout de même une séquence où l'on peut voir Sean Connery (ceinture noire nidan autrefois coaché par Seagal) utiliser quelques techniques à mains nues (kaiten nage) et de défense contre coup de pied.
Si Wesley Snipes n'utilise pas de techniques d'Aïkido dans Soleil Levant, il nous gratifie d'un kaiten nage et d'un tenkan de haute volée (à 2min10) dans la séquence suivante du film "Demolition Man" sortie dans les salles la même année.
Toshishiro Obata, du Yoshinkan à Hollywood
Expert en arts martiaux, Toshishiro Obata débute la pratique de l'Aïkido en 1966, au Yoshinkan Dojo de Gozo Shioda, à l'âge de 18 ans. Il étudie ce style en tant qu'élève interne (uchi deshi) et enseigne l'Aïkido au Yoshinkan Hombu mais également dans des universités, à la police anti-émeute de Tokyo et à l'armée japonaise. Il étudie, en parallèle, l'école "Yagyū Ryu", avec le soke Yagyū Nobuharu et l'art du Zen avec des membres du Shiyukai. Obata abandonne sa position d'uchi deshi en 1973 pour étudier de manière intensive plusieurs écoles de sabre traditionnelles japonaises, notamment le Nakamura Ryu, le Toyama Ryu, le Yagyu Shinkage-ryu, le Kashima Shin Ryu, le Ioriken Battojutsu et le Ryukyu Kobudo.
Par la suite, Obata intègre le Tate Dojo, en tant que Shihan de Bujutsu et devient membre du Tokyo Wakakoma. Obata Sensei officie en tant qu'entraineur, pendant sept ans, dans ce groupe d’élite de pratiquants d’arts martiaux, qui travaillent en tant que chorégraphes ou cascadeurs pour la télévision et le cinéma japonais. Son influence entraîne l'intégration progressive des techniques d’Aïkido sur les écrans japonais.
En 1980, Obata sensei s’installe aux États-Unis avec le titre de chef instructeur en Amérique du nord pour la Toyama-ryu et le Nakamura-ryu battodo. Il est également chargé par la «All Japan Battodo Federation» de fonder la «USA Battodo Federation» et d’en être l’instructeur en chef. Il développe en parallèle son propre art qu'il nomme Shinkendo et parcourt le monde pour diriger des séminaires pour ses étudiants.
Grâce à son expérience avec le Tokyo Wakakoma et aux contacts établis dans le monde des arts martiaux, Obata sensei débute sa carrière cinématographique américaine, en 1984, en tant que coordonnateur de scènes de combat au sabre pour le film "Ghost Warrior". Il apparait dans de nombreuses productions estampillées "little Tokyo" parmi lesquelles "Black Rain" (1989), "China O'Brien" (1990), où il officie également en tant que coordonnateur, "Les Tortues Ninja I & II" (1990 & 1991), "Showdown In Little Tokyo" (1991), "Soleil Levant" (1993), "Demolition Man" (1993), "Red Sun Rising" (1993), "Blue Tiger" (1994), "The Shadow" (1994) ou encore "La Proie" (1995). Il fait également plusieurs apparitions dans des séries télévisées (dont Walker Texas Rangers) et des documentaires sur les arts martiaux.
Pascal Guillemin chorégraphe pour le cinéma international
Pascal Guillemin avec l'acteur Fred Testot
Pascal Guillemin découvre l'aïkido en 1987 à l'âge de quinze ans et s'entraîne de façon intensive durant une douzaine d'années auprès de Christian Tissier. Uchi deshi puis assistant, il devient l'un des principaux instructeurs du Cercle Tissier. Collaborant avec le milieu artistique, par ses cours à l'Alcazar, Guillemin sensei officie pour le cinéma français et international en tant que chorégraphe de scènes de combat, acteur ou cascadeur comme dans "Largo Winch" (2008), "Le transporteur 3" (2008) ou encore "La rafle" (2010).
Il prépare également des acteurs tel que Fed Testot, qui interprète un professeur d'Aïkido dans "Le grand méchant loup" (2012) et collabore dans les productions internationales "Le dernier samouraï" (2003) avec Tom Cruise ou "Babylon A.D" (2008) avec Vin Diesel et Michelle Yeoh.
Bonus : Toshiro Suga affronte James Bond dans "Moonraker"
C'est par l'intermédiaire de Michael G. Wilson, pratiquant d'Aïkido en Grande Bretagne et producteur délégué du film "Moonraker", que Toshiro Suga décroche une audition. La discussion s'effectue à la suite d'un stage d'Aïkido, autour d'un repas, avec Wilson et les maîtres Chiba et Kanetsuka !
Le film étant une coproduction franco-britannique, Wilson embauche plusieurs acteurs français, Suga Sensei est ainsi choisi pour interpréter le personnage de Chang, un redoutable homme de main, antagoniste de Bond. En raison de taxes trop contraignantes au Royaume-Uni à cette époque, le tournage de 007 est délocalisé en France pour la première fois. Les scènes de combats à mains nues sont coordonnées par le célèbre Claude Carliez.
En bonus, une interview de Suga Sensei où il revient sur ses premiers pas au cinéma au Japon et sur le tournage de Moonraker avec son ami, le "gentleman", Roger Moore.