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« Nishi Shiki Kenkoho », la méthode du Docteur Nishi
Article paru dans le magazine Self & Dragon Spécial Aïkido n°14 de Juillet 2023.
Le Docteur Nishi démontrant Hifuku Undo
Passionné par l’histoire de notre discipline et curieux de découvrir de nouveaux exercices préparatoires à la pratique, mes élèves ont eu la gentillesse de m’offrir, pour mon anniversaire, le livre en version anglaise du Docteur Nishi « The Nishi System of Health Engineering » paru en 1936. J’avais précédemment rédigé sa biographie pour le Dragon Spécial Aïkido n°26 de décembre 2019. Grâce à leur attention, j’ai pu ainsi étudier plus en détail et expérimenter la Nishi Shiki Kenkoho avec eux sur les tatamis.
Le Docteur Nishi, une relation étroite avec Morihei Ueshiba
Katsuzo Nishi est célèbre pour avoir fondé et diffusé sa propre méthode de santé baptisée « Nishi Shiki ». Cette théorie unique, basée sur sa profonde compréhension de la physiologie humaine, constituée d’exercices simples et efficaces, dénombrait des dizaines de milliers d’adeptes au Japon dans l’entre-deux guerres. Intellectuel autodidacte, théoricien de la santé et ingénieur de renom, il fut l’auteur de nombreux ouvrages traduits en plusieurs langues. Homme populaire et influent, il fut un soutien de poids pour Morihei Ueshiba et son art naissant. C’est par l’intermédiaire de Hakurei Kurihara, un membre de l’Omoto-Kyo, que Nishi entre en contact avec lui dans le milieu des années vingt. Souffrant de problèmes gastriques devenus chroniques, Ueshiba sensei recherche son aide pour remédier à ses problèmes de santé. Par la suite, un lien fort s’installe entre les deux hommes, Nishi étudiant directement auprès du fondateur son art, qu’il estime analogue à ses propres théories (respect des lois naturelles, position du triangle équilatéral…). Membre éminent des dirigeants du Kobukaï puis de l’Aïkikaï, Katsuzo Nishi donnait également des conférences au Hombu Dojo.
A la source de l’Aïki-Taïso
Au début des années 50, presque tous les membres de l’Aïkikaï suivent les méthodes de santé de Katsuzo Nishi ou de Tempu Nakamura, le fondateur du Shinshin Toitsu Do. Au cours de cette période de développement de l’art auprès du grand public les responsables techniques du Hombu, Koichi Tohei en tête, sélectionnent des mouvements préparatoires étroitement liés aux techniques de l’Aïkido. De nombreux pratiquants sont ainsi initiés aux exercices du Nishikaï, du Tempukaï et de l’école Makko-Ho. Maître Ueshiba vieillissant, intègre également dans sa gymnastique quotidienne des pratiques de santé du docteur Nishi, tels que les exercices Mokan Undo ou encore Kingyo Undo (mouvement du poisson), exercice qu’il affectionne particulièrement. Quasiment inconnu des pratiquants actuels, Katsuzo Nishi et ses exercices de renforcement de la santé sont toujours présents sur les tatamis d’Aïkido du monde entier. Par exemple, l’exercice Kingyo Undo, est toujours pratiqué de nos jours, notamment par le Doshu lors de la préparation du premier cours du matin au Hombu Dojo. Certains experts contemporains émettent l’idée que les techniques actuelles d'Aïki-Taïso debout découleraient de la méthode Shinshin toitsu ho de Tempu Nakamura et celles au sol de Katsuzo Nishi. La lecture d’autres ouvrages du docteur Nishi permet également d’identifier différents mouvements, tels que des exercices de manipulation des membres inférieurs, du cou ou de la chaîne scapulaire pratiqués dans plusieurs courants d’Aïkido actuels.
Dans cet article, je vous propose de (re)découvrir cette préparation, composée de 6 exercices, complétés par les illustrations et les consignes originelles tirées du livre de 1936, « The Nishi System of Health Engineering ».
Kingyo Undō (金魚運動) – Exercice du poisson rouge (oscillations latérales en position allongée)
« L'exercice du poisson rouge doit être pratiqué de la manière suivante : d'abord, s'allonger sur le dos, puis replier les orteils vers le corps autant que possible et placer les deux mains sous le cou, en les croisant contre la quatrième ou la cinquième vertèbre cervicale ; et, dans cette position, faire osciller tout le corps comme le fait un poisson rouge qui nage. Cet exercice doit être pratiqué pendant une minute ou deux, le matin et le soir.
Cet exercice du poisson rouge qui vise à réajuster la colonne vertébrale est un moyen sûr de corriger la scoliose, d'ajuster toute vertèbre déviée, de soulager les tensions excessives des nerfs spinaux ainsi que la paralysie des nerfs périphériques et d'assurer une circulation libre et normale du sang. En outre, il stimule la production de globules rouges dans la moelle, augmente la tension des nerfs sympathiques, contracte les vaisseaux superficiels répartis sur tout le corps et, de plus, fait bouger les intestins régulièrement. Enfin, il maintient l'équilibre entre les deux systèmes nerveux maternels qui courent de chaque côté du corps et établit l'harmonie souhaitée dans l'ensemble de l'organisme. »
Mōkan Undō (毛管運動) – Exercice capillaire
« Pour pratiquer l'exercice de la capillarité, il faut d'abord s'allonger sur le dos, surélever légèrement la tête en plaçant un oreiller ou un coussin sous celle-ci ; tendre vers l'avant, le plus droit possible, les bras et les jambes, en gardant la plante des pieds parallèle au lit ou au sol, et, dans cette position, faire vibrer les bras et les jambes. Cet exercice doit être maintenu pendant une ou deux minutes le matin et le soir. Cet exercice qui donne lieu à un phénomène capillaire s'avérera fructueux pour réguler correctement les valves des veines des membres, de manière à stimuler le flux sanguin, et aussi pour favoriser le mouvement et le renouvellement du fluide lymphatique. Comme cet exercice fait naître la capillarité dans les membres et y attire le sang, il s'ensuit naturellement une amélioration de la circulation sanguine générale.
Cet exercice a également pour effet d'empêcher les parasites et autres germes d'envahir le corps et, en même temps, d'aider à activer de manière appropriée les différents organes du corps. »
Gasshō Gasseki Undō (合掌合蹠運動) - Mouvement palmaire rythmique
S’allonger sur le dos et joindre les paumes de mains et les plantes de pieds. Ensuite, faire glisser les mains/bras et les pieds/jambes horizontalement en mouvements d’aller et retour. Plusieurs modalités sont possibles pour cet exercice. (NDLA : cet exercice est absent dans le livre de 1936).
La cure manuelle par contact
« La méthode de guérison manuelle par contact ou méthode du toucher et de la guérison consiste à poser la paume de la main sur une partie malade du corps et à la guérir. Avant de pratiquer cette méthode, il est essentiel d'acquérir le pouvoir de guérison de la main. Pour ce faire, joignez fermement les paumes des deux mains et pressez les doigts l'un contre l'autre de manière à ce qu'il ne reste aucun espace entre les paumes et les doigts des deux mains. Tenez ensuite les mains ainsi jointes à peu près au niveau du visage pendant quarante minutes, et vous serez sûr d'acquérir un pouvoir de guérison. Si vous le faites une fois dans votre vie, cela vous aidera beaucoup. Pendant que vous faites cette jonction des paumes, les boucles capillaires des doigts qui étaient tordues reprendront une position normale, avec pour résultat qu'une circulation satisfaisante des fluides sera rétablie d'abord dans les doigts et ensuite dans tout le corps, et ainsi un équilibre parfait des éléments vitaux sera assuré dans tout l'organisme. Un tel état d'équilibre de tous les éléments vitaux est une source d'où jaillira le pouvoir de guérison. »
Exercices préparatoires (des mouvements dorsoventral)
Avant d'entreprendre l'exercice dorso-ventral, il faut pratiquer l'exercice préparatoire suivant, composé de onze mouvements ; le temps requis pour cet exercice est d'une minute :
« 1 - Bouger les épaules de haut en bas : il s'agit d'un mouvement du trapèze, du latissimus dorsi et d'autres muscles des épaules. On dit que les bêtes de proie redressent les épaules pour libérer le muscle trapèze avant de sauter sur leur victime. Cet exercice devrait être pratiqué comme première étape de l'exercice dorso-ventral. La pratique quotidienne de cet exercice préviendrait la paralysie des membres supérieurs et la raideur des épaules. »
« 2 - Pencher la tête vers la droite : pour stimuler l'action de pompage du canal thoracique qui débouche dans la veine jugulaire à la fosse supérieure de la clavicule gauche, il faut d'abord pencher la tête vers la droite de façon à solliciter le côté gauche du cou.
3 - Penchez la tête vers la gauche : cet exercice est destiné à stimuler la veine jugulaire et la glande lymphatique du cou droit. Une posture de dos rond est susceptible d'entraîner le gonflement du cœur et de la glande lymphatique cervicale droite, ce qui serait facilement contrôlé par ce mouvement. »
« 4 - Penchez la tête en avant : la racine postérieure de la moelle épinière et le muscle spinalis dorsi sont susceptibles d'être comprimés en cas de maladie. Cet exercice a pour but de prévenir ces troubles.
5 - Penchez la tête en arrière : ceci est pour étirer et stimuler la racine antérieure de la moelle épinière et aussi les nerfs vagabonds.
Les exercices du n°1 au n°5 sont à faire avec la septième vertèbre cervicale comme centre, et augmenteraient la concentration alcaline des fluides corporels. »
« 6 - Tourner la tête vers l'arrière : cet exercice est censé contrecarrer la concentration alcaline des fluides corporels, renforcée par les exercices précédents.
7 - Tourner la tête vers l'arrière à gauche : cet exercice a également pour but de stimuler les nerfs sympathiques et de neutraliser ainsi la concentration alcaline croissante des fluides corporels.
Ces exercices de 1 à 7 doivent être répétés 10 fois respectivement. Si chaque exercice est répété plus de 10 fois, il ne fera que provoquer la fatigue, tandis que s'il est répété moins de 10 fois, il sera insuffisant comme exercice préliminaire. »
« 8 - Etirez les deux bras horizontalement et tournez la tête à droite et à gauche une fois : en étirant les deux bras de cette manière, vous pouvez stimuler la fonction de pompage de la glande lymphatique dans la poitrine et en tournant la tête à droite et à gauche, vous pouvez solliciter les muscles du cou. Ceux qui risquent l'apoplexie trouveront les muscles du cou si raides et les vaisseaux sanguins et les nerfs si comprimés qu'ils ne pourront pas tourner la tête correctement et sentiront le bout des doigts comme paralysé. Grâce à cet exercice, vous pouvez éviter une situation aussi dangereuse. »
« 9 - Levez les deux bras parallèlement, paume contre paume, et tournez la tête à droite et à gauche une fois : ceci est destiné à revigorer la fonction de pompage de la glande lymphatique du creux du bras et aussi à solliciter les muscles du cou. »
« 10 - Descendez les deux bras maintenus (en No. 9) au niveau des épaules, en pliant chaque bras au niveau du coude, avec un poing ferme.
Par cet exercice, le septième nerf cervical, qui contrôle le pouce et l'index, et le huitième nerf cervical, qui contrôle les trois autres doigts, seront stimulés, ce qui permettra de prévenir ou de guérir la paralysie des doigts et d'augmenter le pouvoir de préhension de la main. Selon la chiromancie, un faible pouvoir de préhension raccourcit la ligne de vie et obscurcit les lignes du cœur et de la tête sur la paume. »
« 11 - Tirez le plus loin possible vers l'arrière, les deux bras restant dans la même position que le n° 10, et tournez la tête vers l'arrière avec le menton tendu vers le haut aussi loin que possible : ceci afin de stimuler une fois de plus la fonction de pompage de la glande lymphatique dans la poitrine, et de revigorer les nerfs vagabonds ainsi que la glande thyroïde. Comme on l'a vu plus haut, les onze exercices préparatoires ont tous des raisons d'être, anatomiques et physiologiques ; il faut donc suivre exactement l'ordre et le nombre des exercices. Considérés dans leur ensemble, ces exercices libèrent d'abord les muscles trapèzes, puis stimulent les nerfs vagabonds de manière à les opposer aux nerfs sympathiques. Une fois les exercices préparatoires terminés, vous devez vous relâcher en ouvrant les paumes des mains et en les posant dans le sens de la longueur sur les genoux, avant de passer à l'exercice principal suivant. »
Hifuku Undō (背腹運動) - Mouvements dorsoventral
« L'exercice dorso-ventral consiste à (1) balancer le corps de droite à gauche, le coccyx servant de point d'appui, et à bouger simultanément l'abdomen pendant 10 minutes, matin et soir ; (2) prendre de l'eau fraîche petit à petit jusqu'à la quantité quotidienne totale de deux ou trois litres ; et (3) penser, croire et prier pour aller mieux, jour après jour". Cet exercice dorso-ventral stimule respectivement les nerfs sympathiques et vagabonds de manière à les mettre en état d'équilibre et leur fonction sera remplie avec le plus grand effet possible. Le premier freinera la dilatation des vaisseaux sanguins cérébraux, le second la stase intestinale. L'eau douce est l'élément le plus essentiel d'une existence saine du point de vue de la chimie biologique, tandis que penser à une amélioration quotidienne constitue un facteur important, du point de vue psychique, pour promouvoir ou réaliser cette amélioration. La vitesse de l'exercice dorsal est de 50 à 55 balancements par minute (un balancement signifie l'accomplissement d'un mouvement latéral à gauche). (un balancement signifie l'accomplissement d'un mouvement latéral vers la gauche et la droite). Cet exercice sera maintenu pendant 10 minutes à la fois, le nombre total de balancements atteignant ainsi environ 500. Les débutants peuvent cependant se contenter de 200 ou 300 balancements au début, mais doivent s'efforcer d'atteindre la norme en temps voulu. L'exercice ventral consiste à solliciter le centre de la partie inférieure de l'abdomen et se pratique de la manière suivante : chaque fois que la colonne vertébrale est basculée latéralement, il faut donner la tension sur l'abdomen, puis relâcher la tension chaque fois que la colonne vertébrale reprend sa position initiale. Cet exercice dorso-ventral est vraiment très simple. Vous pouvez le pratiquer tôt le matin, et aussi avant de vous coucher le soir. Deux fois par jour, pendant 10 minutes chacune, suffisent. Vous pouvez le faire soit assis sur le lit, soit sur une chaise. Vous devez seulement veiller à garder la bonne posture. »
Source : Nishi, Katsuzo - The Nishi System of Health Engineering. Kessinger's Publishing. 1936