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Entretien avec Massimo Di Villadorata Shihan « l’Aïkido ne s’enseigne pas, il s’inspire »

 

 

 

Pratiquant de Judo puis d’Aïkido depuis 1964, Massimo di Villadorata est un pionnier et un acteur majeur du développement de l’Aïkido en Amérique du Nord. Shihan 7ème dan, acupuncteur reconnu, il est le fondateur de l'Aïkikaï de Montréal, le plus grand dojo du Canada. Disciple des maîtres Tada et Kawamukai en Italie puis des maîtres Yamada et Kanai en Amérique, il est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à l’Aïkido et à l’acupuncture. Érudit, humble, généreux et muni d’un sens de l’humour aiguisé, il retrace avec nous un parcours d’une grande richesse au détour d’un stage d’été dans le sud de la France.

Entretien avec Massimo Di Villadorata Shihan, par Nicolas De Araujo, paru dans le magazine Self & Dragon Special Aïkido n°11 d'octobre 2022.

 

Pouvez-vous, s’il vous plaît, nous parler de vos débuts en Aïkido en Italie ?

J’ai commencé le Judo au début des années 60, quand je vivais à Milan, j’avais environ 22-23 ans. C’était à la mode à cette époque, mais j’étais trop léger et je n’étais pas très doué. Vers 1964, maître Tada est venu à Milan pour animer un stage, c’étaient les prémices de l’Aïkido en Italie. A cette occasion, mon professeur de Judo m’a choisi pour l’attaquer. Pendant plusieurs minutes, il a fait de moi ce qu’il voulait mais à aucun moment je ne me suis senti en danger. Il contrôlait parfaitement mon corps et le mouvement, il ne voulait pas me blesser mais il me poussait à ma limite. Ce fut un coup de foudre immédiat, c’est ce que j’ai voulu apprendre à partir de ce moment. Par la suite, Maitre Kawamukaï est venu également en Italie. Il a ouvert un dojo à Milan et a commencé à enseigner.

 

Vous avez suivi l’enseignement des Maîtres Tada et Kawamukaï pendant plusieurs années, pourriez-vous nous décrire comment était l’entrainement à cette époque ?

Maitre Tada dirigeait l’Aïkido en Italie, il était la référence. Il était installé à Rome et venait régulièrement enseigner à Milan pour des stages de plusieurs jours. Il était difficile de communiquer avec lui car il ne parlait pas un mot d’italien, il était assez austère, réservé. Comme il ne parlait pas la langue, l’apprentissage se faisait par imitation. On cherchait à découvrir par nous même plutôt que par ses explications. Nous apprécions la beauté, la précision et la spontanéité du mouvement. Maître Kawamukaï était un bon vivant, une personne sympathique. Il était plus proche de nous, il sortait avec le groupe pour dîner ou boire un verre. Je ne sais pas comment il avait appris la langue mais il se débrouillait très bien en italien. J’avais un très bon contact avec lui, je l’accompagnais régulièrement pour donner des démonstrations. A Milan, nous étions un groupe très uni d’une dizaine de pratiquants. C’était une belle époque, nous étions jeunes et enthousiastes, prêt à changer le monde avec cette nouvelle philosophie. Lutter pour la paix n’était pas une contradiction. En Italie, il y avait des stages chaque fin de semaine. Les dojos étaient petits et se regroupaient ensemble pour accueillir les maîtres. On voyageait facilement, on rencontrait les autres groupes et on se liait d’amitié avec eux. C’était une communauté, on passait des soirées et des nuits à discuter de l’état du monde, nous étions des idéalistes.

 

Vous avez ensuite décidé de partir au Canada ?

Je voulais voyager, mon but était d’aller au Canada de façon provisoire puis d’aller ensuite aux USA et enfin en Amérique du Sud. J’ai fait des démarches auprès du consulat Canadien qui m’a recontacté plusieurs mois après. A l’époque, je tenais l’une des toutes premières boites de nuit cabaret d’Italie, je travaillais avec des artistes étrangers et je parlais anglais et français. Sachant cela, la personne du consulat en charge de mon dossier à décider de m’envoyer à Montréal, la principale ville du Québec. C’est ainsi que je suis arrivé au Canada en janvier 1967, en plein hiver, avec mon petit manteau et mes chaussures italiennes pointues. C’était le début de l’aventure.

 

Vous y avez fondé le premier dojo d’Aïkido au Canada ?

Tout à fait. Maître Tada m’avait gentiment écrit une lettre d’autorisation pour enseigner l’Aïkido. J’étais 3ème kyu à cette époque, soit le plus haut grade donné en Italie. Un an après, Maître Yamada m’a fait passer mon Shodan. A mon arrivé à Montréal, j’ai fait le tour des dojos existants et j’ai trouvé le dojo de M. Fabre qui m’a proposé un créneau deux jours par semaine. Au début, Il n’y avait que quelques Judokas, parfois personne alors je m’entrainais aux armes puis l’activité c’est rapidement développé.

 

 

C’était un défi audacieux, que vous avez su relever ?

Je n’ai pas rencontré tellement d’obstacles, cela s’est fait assez naturellement. L’élément important était qu’il y avait deux communautés : les anglophones et les francophones, chacun parlant sa propre langue. Étant bilingue, j’ai réussi à résoudre ce problème et à les mélanger. Il y avait également beaucoup d’Américains qui avaient migrés au Canada car ils ne voulaient pas aller faire la guerre au Vietnam. C’était intéressant car certains avait déjà une expérience de l’Aïkido. Par la suite, le dojo à très bien fonctionné, l’Aïkido était à l’unisson avec le courant pacifiste et multiculturel de cette époque. J’ai rencontré des gens formidables, j’ai eu de bons élèves, je me suis fait des amis et j’ai décidé de m’installer durablement au Canada.

 

Par la suite, vous avez suivi les maîtres Yamada et Kanaï, quels étaient les personnalités et leurs spécificités ?

Je me rendais une fois par mois à New York ou à Boston pour les suivre. Les séjours à Boston étaient plus longs car le dojo permettait de pouvoir rester coucher. Je restais ainsi une semaine ou dix jours. J’étais très bien reçu, c’était une époque plus familiale ou nous étions entre amis, tout le monde était curieux d’observer la pratique de l’autre. Leurs personnalités étaient très différentes, maître Yamada était mon sensei, c’était un homme d’affaire, plutôt extraverti. Son Aïkido était très technique, basé sur la réplétion des mouvements. Maître Kanaï était plus réservé, voir timide. Son Aïkido était plus martial, un peu plus dur. A Boston, l’ambiance était studieuse, les élèves essayaient d’imiter la personnalité du maitre. A New York, c’était différent, l’ambiance était plus détendue, l’Aïkido c’était sérieux aussi mais on s’amusait. 

 

Quels sont les autres senseis qui vous ont le plus influencé ?

Maitre Tohei était formidable. Il avait du charisme, il était le seul à parler du Chi (Ki), du point unique, il m’a beaucoup impressionné et influencé. Dans les années 70 aux USA, il nous faisait faire beaucoup d’exercices pour prendre conscience du Ki. C’était ce que je voulais apprendre, plus encore que le côté self defense. J’avais également de bons rapports avec Saotome Sensei. Il s’est installé à Washington en 1975. Il est très fort dans les armes. Je l’ai suivi régulièrement dans ses séminaires. Je m’entendais bien avec Terry Dobson, qui avait été ushideshi au Japon au Hombu Dojo où il avait étudié avec O Sensei, nous étions amis. Il était très sympathique, c’était un bon vivant. Il avait ouvert un dojo à New York, qui existe encore aujourd’hui, puis Terry est venu vivre dans le Vermont, non loin de Montréal. Son dojo était « new age », on se rencontrait souvent pour organiser des séminaires. Nous étions sur la même longueur d’onde. J’ai également suivi pas mal de cours avec Maître Tamura, je l’ai fait venir à Montréal à plusieurs reprises.

 

Vous avez également côtoyé Mutsuro Nakazono Sensei durant son séjour à Montréal, en 1970, quelle était votre relation avec lui ?

Il avait ouvert un petit dojo à Montréal. J’enseignais dans mon dojo et j’allais suivre son enseignement. Mes élèves allaient le voir aussi. Il venait également enseigner dans mon dojo. Maître Nakazono n’était pas austère, il était très amical, j’ai eu une très bonne relation avec lui. C’était très agréable, il venait à nos soirées. Il était ouvert et parlait de l’Aïkido, du Hombu Dojo et de O Sensei. Occasionnellement, il donnait des cours sur les sons, le Kotodama, c’était spécial. Son aïkido était assez physique et très précis. Malheureusement, il a eu des problèmes de visa puis il est parti au Nouveau Mexique.

 

Utilisez-vous le Kotodama dans votre pratique ?

Peut-être au niveau subconscient. Je l’ai étudié pendant seulement quelque mois, c’était un aperçu, je ne me sens pas compétent ni autorisé à l’enseigner. Je suppose que cela a fait son chemin dans mon subconscient mais je ne peux pas dire que cela fait partie de mon Aïkido consciemment. Quand j’ai un auditoire perceptif, je donne occasionnellement un cours sur les 5 voyelles U, A, O, E, I.  Les voyelles permettent à la respiration de s’écouler sans interruption hors de la bouche, produisant une vibration constante liée à une action ou une émotion particulière. U évoque le monde primitif, le chaos, la violence, le désordre dans lequel l’homme doit mettre de l’ordre. A évoque la perception de l’environnement. O réveille la mémoire qui mette la perception dans un contexte. E est la décision d’agir et le choix de l’action. I est l’action, l’épée qui tranche. Nous trouvons ces étapes dans la pratique : l’attaque, la perception de l’attaque, la compétence développée par l’entraînement, le choix de l’action et l’action elle-même. Quand il était à Montréal, Nakazono Sensei a écrit un livre sur le Kotodama, un de mes élèves a aidé à traduire l’ouvrage mais il était difficilement compréhensible. Cela prend des années pour maitriser le Kotodama. J’ai essayé de pratiquer cela seul mais je n’ai pas la prétention de dire que je suis arrivé quelque part. Je répète les sons dans ma tête, pendant les techniques, c’est le Kiai intérieur. Les vibrations se connectent avec nos émotions. Elles aident à exécuter un mouvement fluide et continu. La grande beauté de l’Aïkido c’est son rythme.

 

Avez-vous eu l’occasion vous rendre au Japon pour étudier l’Aïkido ?

Oui, je suis allé à deux reprises au Japon, entre 1975 et 1978, une fois trois mois, une fois quatre mois. J’ai pratiqué au Hombu à Tokyo évidemment. Je pratiquais 4 heures par jour au minimum. Au Japon, le prix des repas est élevé et les portions sont petites, heureusement j’avais trouvé une pizzeria pas très loin où l’on pouvait manger des pizzas à volonté, cela m’a sauvé la vie ! À Tokyo, je suivais le cours du matin avec le Doshu. L’Aïkido était déjà populaire et il y avait beaucoup de monde, des gens d’expérience. J’ai fait notamment la connaissance de Christian Tissier, qui était le responsable des pratiquants étrangers. Saito Sensei m’a beaucoup impressionné. Je suis allé étudier à Iwama pendant quelques temps, c’était impressionnant. C’était un homme simple, tout comme son dojo. C’est un dojo de campagne. A l’opposé, Hikitsuchi Sensei que j’ai visité à Shingu, était extrêmement distingué raffiné et cultivé. C’était un prêtre shintoïste et dans son dojo, qui était magnifique, on sentait la dimension spirituelle de l’Aïkido que je n’avais pas connue avant. Je suis resté moins de temps auprès de lui mais il m’a marqué.
C’était deux personnalités complétement opposées, comme les deux cotés d’une médaille mais finalement c’était le même message.

 

Couverture du 5ème tome Aïkido de maître Saito.

M. Di Villadorata est situé derrière M. Saito

 

Comment avez-vous débuté votre étude de l’acupuncture ?

Au Canada, j’ai repris mes études et, après avoir obtenu une maitrise en psychologie de l’éducation à l’Université Concordia, j’ai cherché un autre sujet d’étude. J’aimais être étudiant. J’ai toujours pensé qu’en étant enseignant, il fallait rester un élève. J’ai découvert qu’à Montréal il y avait une école d’acupuncture. Avec amusement, j’ai voulu voir ce qu’était « le vaudou chinois » ! Au bout de six mois de cours, mon professeur m’a demandé de venir travailler avec lui dans sa clinique. J’ai alors découvert deux choses : l’acupuncture fonctionne mais mon professeur ne maitrisait pas la discipline. Il me fallait aller étudier en Chine, mais le pays était fermé aux étrangers à cette époque. J’ai quand même insisté jusqu’au jour où, j’ai reçu une lettre m’informant que j’avais été accepté pour suivre un cours d’acupuncture à Jinan pendant l’été. La formation était très structurée. Nous avions huit heures de cours par jour à l’hôpital de Jinan, théorique et pratique. C’est là-bas que j’ai rencontré ma femme, c’était mon interprète. Je suis ensuite rentré à Montréal ou j’ai ouvert ma propre clinique. Cela a tout de suite très bien fonctionné. J’ai eu beaucoup de patients dont des enseignants de l’école nationale de théâtre. Par la suite, avec un confrère, nous avons fondé une société pour les échanges culturels en acupuncture. Nous invitions au Canada des experts de France, des États-Unis et de Chine pour donner des séminaires. Cela m’a permis de côtoyer tous les grands du monde de l’Acupuncture. En même temps, j’ai ouvert une école d’acupuncture où j’ai enseigné pendant de nombreuses années.

 

Sensei, quels sont les liens entre l’Aïkido et l’acupuncture ?

La prise de conscience du Chi, mais après cela se sépare. En Aïkido, on découvre et on dirige le mouvement de son Chi alors qu’en acupuncture on le provoque chez le patient, c’est complétement différent. En appliquant mon aiguille dans des points précis du corps, je régule, je dissipe ou je stimule le mouvement du Chi. Selon l’école des cinq éléments, une même maladie se traite différemment sur une personne feu, terre, métal, eau ou bois. On ne traite pas la maladie, on traite le malade. Il faut traiter l’individu dans son unicité et dans son rapport avec la maladie soit au niveau physique ou au niveau psychique. Je pense que l’acupuncture doit être utilisé surtout en prévention. Vous connaissez la légende en Chine : on paye le médecin pour prévenir les maladies mais si on tombe malade, il doit venir nous soigner sans être payé. L’Aïkido est très sain quand il est pratiqué correctement, il maintien la circulation du chi et favorise le bon fonctionnement de chaque organe. A mon âge, je me porte encore assez bien et je pense que c’est grâce à l’Aïkido.

 

Qu’en est-il de l’utilisation des points vitaux ?

Je n’ai pas fait de démarche sur les points vitaux, je ne me suis pas intéressé à cela. Aucun des experts que j’ai suivis ne m’a enseigné ni parlé des points vitaux en Aïkido. Je peux dire que Yonkyo sollicite le septième point du méridien du Maître Cœur, appelé Shen Men, la porte de l’esprit, mais je pense qu’il est difficile de solliciter des points de pression pendant une technique. Leur effet n’est pas instantané et cela arrêterait le mouvement. En Aïkido nous n’avons pas le temps de nous arrêter, nous passons d’un point à un autre pendant le mouvement. Pour une application correcte de l’Aïkido, le Chi ne doit pas s’arrêter de circuler, il ne faut pas faire de mouvement saccadé.

 

 

Pouvez-vous nous parler de votre travail à l'École nationale de théâtre du Canada ?

L'École nationale de théâtre du Canada était une grande structure qui bénéficiait de fonds importants, il y avait un dojo à l’intérieur. Ils cherchaient un instructeur d’arts martiaux, ils m’ont contacté et j’ai été embauché par la section Française et Anglaise en septembre 1977. J’ai été instructeur de « stage fighting » pendant huit ans. J’ai enseigné aux acteurs comment simuler un combat, tomber sans se blesser… L’Aïkido était parfait pour cela. J’y est surement développé mon côté théâtral mais j’espère que cela ne se voit pas sur les tatamis ! C’était une période très amusante pour moi, c’était la belle vie.

 

Vous êtes l’un des premiers auteurs occidentaux sur l’Aïkido, comment s’est concrétisé la réalisation de votre premier ouvrage en 1973 ?

Encore une fois, cela s’est fait naturellement. C’est l’éditeur qui m’a appelé pour me demander si je voulais écrire un livre en français sur l’Aïkido. J’ai trouvé un élève qui prenait des photos intéressantes et j’ai rédigé le livre en langue française. Il a ensuite été traduit en anglais et même en portugais.

 

Vous avez également contribué à l'établissement de l'Aïkido au Mexique au milieu des années 70 ?

Miguel Moreno, un judoka qui vivait au Mexique voulait étudier l’Aïkido. Maitre Yamada m’a sollicité car je parlais espagnol. J’ai accepté la proposition et j’ai enseigné dans son dojo de Mexico City pendant six ou sept mois environ. Je suis ensuite retourné au Canada et j’ai envoyé l’un de mes élèves qui est resté un an au Mexique. Par la suite, j’y suis retourné à plusieurs reprises pour enseigner des séminaires.

 

Pouvez-vous nous parler de votre pratique et de votre enseignement ?

Je ne prépare pas mes cours, je vis le moment présent, les contacts humains. Je ne suis qu’un interprète, l’Aïkido passe à travers moi, j’enseigne pour apprendre, je m’amuse quand j’enseigne. Enseigner une classe, c’est un peu comme diriger un orchestre. Si la pratique chauffe trop dans un coin, je passe à une technique qui évite cela ou s’il n’y a pas assez d’énergie, je mets un peu de poivre dans le cours ! L’Aïkido est un long chemin, aujourd’hui ont fait un pas en avant, demain peut-être un autre, l’enseignant est un catalyseur. J’ai mes opinions, après c’est l’affaire de chacun, on prend où on rejette. Surtout, je ne veux pas de copie carbone…cela serait du « brain washing » pas de l’enseignement. Enseigner c’est inspirer, donner le gout. L’Aïkido n’est une gymnastique, un dojo n’est pas un gymnase. C’est le lieu où l’apprend la voie, où il faut trouver la sincérité, l’harmonie, la curiosité, l’enthousiasme, la joie du mouvement, le partage avec uke, où il y a effectivement complicité mais qui ne doit jamais devenir de la complaisance. Les techniques sont un moyen pas une fin. Ce sont les gammes qu’un musicien doit pratiquer constamment mais qui ne doivent pas être confondues avec le concert.

 

 

Quelle place donner vous aux armes dans votre enseignement ?

Cela m’intéresse beaucoup. J’ai appris le travail des armes auprès de Saotome Sensei et le Jo principalement avec maître Saito. C’est une extension du Chi, cela est très utile pour l’extension du mouvement. Pour que le Chi arrive au fond du sabre ou du Jo. C’est très important les armes, très important. Il y a toujours eu un cours d’armes dans mon dojo.

 

Le nombre d’Aïkidokas est mondialement en baisse depuis quelques années, quelles peuvent-en être les raisons selon vous ?

Les arts martiaux ne sont peut-être plus à la mode. Mais ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose, Au début, l’Aïkido c’étaient des petits groupes de personnes, partageant un idéal, puis l’art est devenu populaire mais aussi commercial. L’idée de communauté s’est perdue, cela a baissé le niveau, on donne moins d’importance au côté philosophique, aux concepts d’harmonie, de Ki, de Voie…(AI-KI-DO). Le système des grades Dan accorde trop d’importance au côté technique, à la performance physique et ne reflète pas nécessairement l’évolution spirituelle de l’élève, qui ne peut être évalué que par son Sensei. Cela rend l’Aïkido moins unique, moins spécial, moins “magique”. Et puis beaucoup de monde n’ont pas pratiqué pendant un an et demi en raison de l’épidémie de Covid. Des gens ont perdu l’intérêt et font autre chose désormais.

 

Que faire, l’Aïkido doit-il évoluer dans sa forme ?

Je pense que chaque instructeur doit suivre sa démarche avec ceux qui sont intéressés à le suivre peu importe le nombre, cela n’a pas d’importance. Il y a moins de monde qui font de l’Aïkido et bien il y a moins de monde qui font de l’Aïkido, ce n’est absolument pas grave. Il ne faut pas faire de compromis pour avoir plus de monde. Au contraire, l’instructeur doit résister à la tentation de devenir commercial. L’important est d’avoir des élèves avec lesquels on progresse.

 

Quelle conception avez-vous de l’Aïkido, c’est pour vous un Budo, un art de défense, un système d’éducation ?

C’est une discipline. La discipline c’est travailler sur soi pas sur les autres. C’est un art en premier, martiale en deux et non un art de « techniques martiales ». La plupart des personnes commencent l’aïkido pour se défendre mais continue pour d’autres raisons. Le côté Self Défense n’est pas important. Un diamant coupe les vitres mais ce n’est pas cela qui le rend précieux. L’Aïkido peut être utile en situation de combat mais ce n’est pas cela qui le rend précieux. L’Aïkido est comme une pierre précieuse, il faut l’admirer pour sa beauté. C’est pour cela que l’on ne peut pas le transmettre de façon directe, on ne peut que l’inspirer. Évidemment, nous devons enseigner les techniques, mais les techniques ne sont que des chorégraphies.  Ce qui est vraiment important, c’est de communiquer la philosophie de l’art, le rythme des mouvements, la connexion entre uke et nage, le plaisir du mouvement libre et sans effort, la curiosité. Le désir d’expérimenter sans avoir peur de faire des erreurs ! On n’apprend pas en faisant bien les choses, on apprend en prenant conscience de nos erreurs.

 

Quels messages souhaitez-vous transmettre aux lecteurs ?

Tour d’abord, il faut s’amuser en Aïkido, si cela devient une corvée, il faut arrêter. Ensuite, l’Aïkido c’est la santé, ne pas se blesser et surtout ne pas blesser les autres. La violence ne doit pas exister sur les tatamis d’Aïkido. Enfin, il faut être capable de rire. Le rire, c’est la chose la plus spontanée. Le seul animal qui rit c’est l’homme, une technique bien exécutée c’est comme une blague, cela doit surprendre, si vous devez l’expliquer ce n’est pas drôle. L’humour c’est très sérieux, c’est puissant, il y a plus de satires qui ont fait tomber des dictateurs que des armées.

 

Merci beaucoup Sensei pour le temps que vous nous avez accordé.

 

Sincères remerciements à Yan Siboni et aux amis du CAM pour l'organisation de ce stage exceptionnel à Montpellier en mai 2022.

 

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