L'Aïkido au féminin, des pionnières aux expertes actuelles

Par Nicolas DE ARAUJO

 

 

 

Mariye TAKAHASHI et Maître UESHIBA

 

A l'instar de Tomoe GOZEN, célèbre femme samouraï, de nombreuses féminines ont pratiqué les arts martiaux dès leurs origines. L’aïkido ne fait pas exception, bien au contraire. A travers l'histoire de notre discipline, les noms de ces pratiquantes japonaises et occidentales, tout d'abord pionnières puis expertes résonnent aujourd'hui. A l'occasion de la journée internationale des femmes je vous propose les portraits de ces pratiquantes féminines remarquables.

 

LE TEMPS DES PIONNIERES...

 Takako KUNIGOSHI et son partenaire Shigemi YONEKEWA

 

Morihei UESHIBA, le fondateur de l'Aïkido à toujours enseigné son art aux femmes sans distinction. Dès ses débuts à Tokyo, dans le milieu des années vingt, des cours était ouvert aux filles de ses riches et nobles contributeurs. En 1931, O Sensei inaugure son premier dojo dans la capitale, le Kobukan. Dans ses rangs, on retrouve deux jeunes étudiantes, Kazuko SEKIGUCHI et Takako KUNIGOSHI. Pionnières courageuses, les deux jeunes femmes sont obligées de se changer dans un espace extrêmement restreint. A cette époque, il n'y pas de vestiaire réservé aux femmes et elles sont obligées de mettre et de défaire leurs tenues entourées d’hommes. Âgées d'une vingtaine d'années, elles s'entraînent régulièrement et sert même de partenaire à Maître UESHIBA qui les projettent sans se retenir, ne faisant ainsi pas la moindre différence entre les hommes et les femmes. Artiste de talent, Takako KUNIGOSHI exécuta en 1934 les illustrations du livre Budo Renshu, destiné aux étudiants en guise de licence d’enseignement. Pratiquant jusqu'au début de la seconde guerre mondiale, elle obtiendra le grade de 3ème dan.

 

O Sensei et Fukiko SUNADOMARI

 

Après la seconde guerre mondiale et le retrait du Fondateur à Iwama, la pratique reprend progressivement au dojo de Tokyo. Au milieu des années cinquante, le nombre de pratiquants commence à augmenter et le Hombu Dojo accueille les premiers Uchi Deshi (élèves internes) d'après-guerre. Fukiko SUNADOMARI est la première à vivre occasionnellement parmi eux. Étudiant également l'art du Naginata, elle est la sœur de Kanemoto et Kanshu SUNADOMARI, élèves d'avant-guerre de Maître UESHIBA. Au fil du temps elle devient la confidente et l'assistante personnelle d'O Sensei. Ce dernier lui attribue personnellement le grade de 6ème dan. Figure importante du Hombu Dojo, Fukiko occupera la fonction de Fujin Bucho (chef de la section des instructeurs féminins) pendant plusieurs années.

 

Virginia MAYHEW - Années 60

 

Sous l'impulsion du Doshu Kisshomaru UESHIBA, l'Aïkido se développe dans les universités et les entreprises japonaises. Ce dernier encourage également la pratique des femmes avec l'ouverture de cours spécifiques au Hombu Dojo dès 1956. Parmi les pratiquantes de l'époque, nous retrouvons notamment Rumiko San (future épouse de Maître TAMURA), Fumiko KOBAYASHI (soeur de Yasuo et future épouse de Shuji MARUYAMA) et Mariye TAKAHASHI.

Les années soixante voient les premières femmes occidentales étudier l’Aïkido. Pionnière parmi les pionnières, l'Américaine Virginia MAYHEW débute la pratique en 1960. Promue 2ème dan par Maître UESHIBA, elle sera à l'initiative de la création de l'Aïkikaï de New York puis de l'Aikikaï de Hong Kong. Suivront les américaines Joanne SHIMAMOTO (future épouse d'Akira TOHEI) puis Mary HEINY. Cette dernière étudia l'Aïkido dès 1965 avec O Sensei puis Michio HIKITSUCHI. A son retour aux USA, elle enseigne l'Aïkido à l'Université de Californie à Santa Cruz puis ouvre son dojo à Seattle en 1976. Actuellement 7ème dan, Mary HEINY est l'une des femmes les plus gradés au monde. Les françaises Jacqueline GRESLE et Monique VENNER (3ème dan) ont également étudié à l'Aïkikaï Hombu Dojo sous la direction de Maître UESHIBA. Elles ont toutes deux participé au développement de l'Aïkido dans l’hexagone depuis les années soixante.

 


...AUX EXPERTES RECONNUES MONDIALEMENT

Si l'on peut déplorer le faible nombre de femmes au plus haut niveau de l’Aïkido français et leur manque de médiatisation, il y a tout de même une poignée d'expertes reconnue mondialement. Voici le portrait de quatre d'entre elles :

 

Yoko OKAMOTO (Shihan 7ème dan). Débute l'Aïkido en 1977 au Hombu Dojo de Tokyo. Elle suit l'enseignement de Christian TISSIER en France de 1979 à 1981 puis retourne a l'Aïkikaï en tant qu'élève de Seigo YAMAGUCHI et de Ichiro SHIBATA. Chef instructeur au Portland Aikikai (USA) de 1991 à 2003. Elle enseigne à Kyoto depuis 2003. Elle est nommée Shihan en 2015. En janvier 2019, OKAMOTO Sensei est promue 7ème dan, par le Doshu Moriteru UESHIBA. Très appréciée pour sa pédagogie et sa technique, elle dirige actuellement des séminaires dans le monde entier.

 

Patricia HENDRICKS (Shihan 7ème dan). Débute l'Aïkido en 1974 au College de Monterey en Californie sous la direction de Mary HEINY, alors de retour du Japon avec le grade de 3ème dan. Patricia étudie ensuite avec Stanley PRANIN jusqu'en 1976. Elle déménage à Oakland et poursuit sa formation avec Bruce KLICKSTEIN et Bill WITT. En 1978, elle décide de partir au Japon pour devenir uchideshi sous la direction de Morihiro SAITO. Après plusieurs années de pratique intensive à Iwama, elle devient la première à recevoir le "menkyo kaiden", titre certifiant la maîtrise du système d'armes fondé par Maître SAITO. Elle fonde le dojo d'Aïkido de San Leandro en 1984, qu'elle dirige toujours actuellement. En 1994, Patricia a l'honneur d'être la partenaire de Maître SAITO lors de sa démonstration aux armes lors du All Japan Demonstration. HENDRICKS Sensei est nommée 7ème dan en 2014.

 

Mariko TAKAMIZO (Shihan 7ème dan). Débute l'Aïkido à l'université de Hosei à Tokyo sous la direction de Sadateru ARIKAWA. Souhaitant continuer la pratique après ses études, elle prend des fonctions administratives à l'Aïkikaï Hombu Dojo. En parallèle de son travail, elle continue sa formation martiale auprès du Doshu Kisshomaru UESHIBA, de Kisaburo OSAWA et de Seigo YAMAGUCHI. Devenue instructrice au Hombu Dojo, elle est invitée par Maître TAMURA pour diriger des stages en France à plusieurs reprises. TAKAMIZO Sensei est promue 7ème dan en 2011.

 

Micheline VAILLANT-TISSIER (Shihan 7ème dan). Débute l'Aïkido à 15 ans, à l'Aikikai Hombu Dojo de Tokyo. Au départ, elle pratique surtout avec Maître MASUDA et Maître ICHIHASHI. Pour son premier cours, elle a pour partenaire et guide Christian TISSIER, alors sempaï de tous les étrangers. Par la suite, elle suit les cours de YAMAGUCHI Sensei et du Doshu Kisshomaru UESHIBA. En 2007, Micheline TISSIER se voit décerner le grade de 6ème dan Aikikai par le Doshu Moriteru UESHIBA. Elle est l'une des rares femmes à occuper un poste technique dans une fédération d'Aïkido. En septembre 2012, elle participe au XIème Congrès de la Fédération Internationale d'Aïkido à Tokyo. TISSIER Sensei dirige un cours international et y fait une démonstration. En novembre 2017, elle reçoit le titre de Shihan des mains de la ministre des Sports Laura Flessel.

 

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