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Zenzaburo AKAZAWA, un des plus jeunes Uchi deshi d’avant-guerre

Par Nicolas DE ARAUJO

 

 

 

Membre d’une famille de croyants Omoto, il intégra le Kobukan Dojo à l’âge de 14 ans. Il fut l’un des Uchi deshi d’avant-guerre les plus appréciés du fondateur. A sa demande, il étudia l’école Kashima Shinto-Ryu qui influencera la pratique de l’Aïki Ken. Akazawa intégra la marine impériale japonaise pendant la seconde guerre mondiale et enseigna l’Aïkido à l’académie navale. Fervent soutien de maître Ueshiba, il prit une part décisive, avec son père, dans la construction du dojo d’Iwama et du sanctuaire Aïki Jinja.

Biographie parue dans le magazine Self & Dragon Spécial Aïkido n°11 - Octobre 2022.

 

Zenzaburo Akazawa (赤沢善三郎) est né en 1919, à Iwama, dans la préfecture d’Ibaragi. Il est issu d’une famille d’adeptes de la religion Omoto-Kyo, dont le père, Mitsunosuke, est le directeur de la poste locale. Encouragé par ce dernier, le jeune Zenzaburo, accompagné de son ami Shigemi Yonekawa, participe à un séminaire d’arts martiaux organisé dans la maison des Akazawa par le Budo Senyokai, une société créée sous les auspices de l'Omoto-Kyo dans le but de promouvoir l'enseignement de Morihei Ueshiba. C’est ainsi que les deux garçons découvrent l’Aïki-Budo en août 1932. Bien qu’étant plus âgé, son ami Shigemi est projeté avec grande facilité par l’enseignant Yoshiaki Fujisawa, lui-même débutant dans la discipline. Émerveillé par cet art, les deux jeunes garçons décident d’entreprendre immédiatement son étude. Malheureusement pour lui, Zenzaburo est encore trop jeune, il n’a que treize ans et doit d’abord finir ses études. Il n’est autorisé à rejoindre son ami à Tokyo que six mois plus tard après l’obtention de son diplôme du collège.

 

Uchi deshi au Kobukan Dojo

Zenzaburo intègre le dojo de Maître Ueshiba en avril 1933. Surnommé affectueusement « Sabu » par le fondateur, il n’est pas autorisé à pratiquer pendant ses six premiers mois. Suivant la tradition, il a seulement le droit de regarder les entrainements et de s’occuper des corvées quotidiennes. Il masse le dos de maître Ueshiba après les cours et est autorisé à pratiquer quelques chutes de temps en temps pour les sempaïs ou pour lui-même. Après six mois « d’observation », le jeune garçon est enfin autorisé à participer aux sessions d’entrainement. Les officiers militaires, les nobles et les personnes « de haut rang » composent majoritairement la plupart des classes dans ce lieu surnommé « le Dojo de l’enfer ». Les débuts de Zenzaburo sont difficiles car la pratique est douloureuse, stricte et sévère. Ueshiba Sensei montre la technique à réaliser mais ne donne jamais d’explications détaillées. L’adolescent s’accroche et s’entraîne plusieurs fois par jour avec ses camarades Uchi deshi : Noriaki Inoue, Hisao Kamada, Tsutomu Yukawa, Kaoru Funahashi, Shigemi Yonekawa, Rinjiro Shirata, Takako Kunigoshi, Kazuko Sekiguchi ou encore Kenji Tomiki et Gozo Shioda qui résident tous deux à proximité du dojo.

 

Le « Dojo de l’enfer » de Takeda

Peu de temps après les débuts du jeune Akazawa, les dirigeants du Budo Senyokai décident d’ouvrir une grande succursale à Takeda dans la préfecture de Hyogo. Les instructeurs sont sélectionnés parmi les Uchi deshi de Tokyo mais sans lien direct avec l’Omoto. Initialement destiné à devenir le quartier général du Budo Senyokai, Takeda devint rapidement « le Dojo de l’enfer » de l’ouest prêt à rivaliser avec « le Dojo de l’enfer de l’est » situé dans la capitale. Composé d’un grand tatami de 330 m2 et d’un petit de 100 m2, 40 à 50 élèves, en grande majorité membres de l’Omoto-Kyo, pratiquent sous la direction de maître Ueshiba une semaine par mois. Le reste du temps la direction technique du dojo est confiée à son neveu et disciple le plus avancé, Noriaki Inoue. Après une courte période d'entraînement au Kobukan, Akazawa est envoyé à Takeda pour participer activement à ces cours intensifs destinés aux personnes chargées de diriger des séminaires dans les soixante-quinze succursales du Budo Senyokai à travers le Japon. A Takeda, la vie est basée sur un système d’autosuffisance communautaire. Entre les entrainements du matin, de l’après-midi et du soir, tout le monde travaille, soit à la ferme, à la cuisine ou à l’intendance. De nombreux Uchi deshi de la capitale apprécient de vivre au dojo de Takeda même si leur attitude parfois hautaine entraîne des frictions avec les membres locaux de l’Omoto-Kyo. Akazawa s’entraîne ainsi sous la direction de Noriaki Inoue avec Tsutomu Yukawa, Hisao Kamada, Rinjiro Shirata, Aritomo Murashige ou encore Tesshin Hoshi. Malheureusement, les activités du dojo prennent fin en décembre 1935 à la suite de « second incident Omoto ». Le gouvernement militaire japonais juge coupable les dirigeants de la secte de crime de lèse-majesté. L’interdiction de l’Omoto-Kyo entraine la dissolution du Budo Senyokai, la fermeture du dojo de Takada et oblige maître Ueshiba à prendre ses distances avec les responsables de la secte.  Le père de Zenzaburo, Mitsunosuke, est également détenu pendant plusieurs semaines en raison de ses liens avec la secte.

 

L’école Kashima Shinto-Ryu

Après deux ans et demi d’entrainements intensifs au dojo de Takeda, Zenzaburo retourne vivre à Tokyo et reprend sa place parmi les Uchi deshi du Kobukan. Très apprécié par le Fondateur, il l’assiste régulièrement dans ses déplacements en tant qu’Otomo. A la demande de maître Ueshiba, Zenzaburo débute l’étude de l’école traditionnelle d’escrime Kashima Shinto-Ryu en mai 1937, accompagné du fils du fondateur, Kisshomaru, lui-même pratiquant de Kendo. Après avoir fait un serment de sang (Keppan), les deux jeunes hommes étudient principalement sous la direction du maître Masashige Aoki. Alors en pleine réflexion sur l’étude du sabre qu’il considère comme essentielle à la maîtrise du Taï-Jutsu, Morihei Ueshiba utilise ses relations pour que les instructeurs du Kashima Shinto Ryu viennent enseigner leur méthode dans son dojo après leurs séances hebdomadaires au Kodokan de maître Kano. O Sensei est très intéressé par cette école qui lui a été présentée par ses disciples judokas, notamment Jiro Takeda. Etant un maître d'arts martiaux reconnu, il ne peut l’étudier directement et se contente d'observer attentivement chaque cours pendant environ une année. O Sensei absorbe certains éléments et les incorpore dans sa méthode, notamment le premier kata de Ken, Ichi No Tachi.

 

Aide de camp en Mandchourie

L’expansionnisme militaire Japonais en Asie s’intensifie et vide progressivement le Kobukan de ses élèves. Zenzaburo Akazawa est incorporé à son tour dans l’armée Impériale en 1938. Il est envoyé en Mandchourie comme aide de camp du Général Toshinara Maeda. Cet ami proche et disciple de maître Ueshiba est un haut responsable militaire et politique. Âgé de 19 ans, Zenzaburo est chargé de l’accompagner pour faire exécuter ses ordres. En permanence à ses côtés, il veille à son confort tout au long de ses différentes missions dans le pacifique. Nommé premier commandant des forces du Nord de Bornéo pendant la seconde guerre mondiale, le général Maeda trouve la mort sur les lignes de front de Bornéo dans un accident d’avion en septembre 1942.

 

Marin puis enseignant à l’académie navale

A son retour au pays, Akazawa assiste à nouveau Ueshiba Sensei dans ses déplacements, notamment à l’Académie Navale et à l’école de Télécommunications navales de Yokosuka. Attiré par l’art du maître, de nombreux officiers de marine viennent s’entrainer directement au Kobukan Dojo de Tokyo. A leur contact, Zenzaburo décide de s’engager dans la marine Impériale où il passe trois années en mer. Lors d’une escale au port de Yokosuka, il retrouve plusieurs anciens cadets de l’académie devenus officiers. Ces derniers intercèdent auprès de leur hiérarchie pour que Zenzaburo soit affecté à l’Académie Navale de Tokyo. En mars 1943, il est sollicité par ses supérieurs pour y enseigner l’Aïkido en tant que discipline militaire. Souhaitant former les marins aux techniques d’arrestations, les responsables de la marine le recrutent ainsi que des instructeurs de Karaté et de Jukendo pour former les troupes. Zenzaburo donne ainsi des cours d’Aïkido aux marins, plusieurs fois par semaine, jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, survenue en août 1945.

 

Retour à Iwama

Après le conflit, Zenzaburo Akazawa retourne vivre dans sa région natale d’Iwama et retrouve Maître Ueshiba et sa famille ainsi que Gozo Shioda, également de retour du front. Adepte du principe Heino-Ichinyo (combattre et cultiver la terre ne font qu’un), O sensei avait acquis environ 4 hectares de terres à Iwama, avec l’aide du père d’Akazawa, à la fin des années 30. En raison d’une grave infection intestinale et des intenses bombardements de la capitale nippone, il décida de s’y retirer en 1942 pour s’investir dans l'agriculture, l'entraînement et la méditation. Fervents soutien de maître Ueshiba, Zenzaburo et son père participent activement à la construction du temple spirituel de l’Aïkido, l’Aïki Jinja, en 1943, puis à la construction du dojo d’Iwama, achevé en 1945.

 

La « redécouverte » du manuel Budo

Peu à peu après la guerre, Zenzaburo limite ses activités martiales et se consacre uniquement à l'Omoto-Kyo. Il reste en contact avec les Uchi deshi d’avant-guerre en participant aux réunions annuelles organisées par le Doshu Kisshomaru Ueshiba au Hombu Dojo de Tokyo. Il est par ailleurs promu au grade de 6ème dan à l'occasion du nouvel an 1962. En juillet 1981, le journaliste américain Stanley Pranin, lui rend visite à Iwama pour une première interview. Zenzaburo lui présente alors la maison familiale où se déroulaient les entrainements du Budo Senyokai et les réunions de l’Omoto dans les années 30. C’est aux cours de leurs échanges que Zenzaburo lui fait « découvrir » un manuel technique de maître Ueshiba intitulé “Budo”. Son second ouvrage, écrit en 1938, est illustré par une série de 119 photographies où le fondateur démontre personnellement les techniques. Crée à l'origine pour le prince Tsunenori Kaya, seulement quelques centaines d’exemplaires de ce manuel, qui servait à la fois comme aide technique pour l’entrainement et à récolter des fonds durant les temps difficiles d’avant-guerre, furent distribués. Ce précieux ouvrage sera réédité par Stanley Pranin et complété par des précisions techniques et des photos de Morihiro Saito. Au fil des années, les différents entretiens entre Akazawa et Pranin seront également publiés, en 1993, dans le recueil d’interviews menées par l’historien américain intitulé "les maîtres de l’Aïkido, période d’avant-guerre". "Retiré" de la pratique de l'Aïkido depuis longtemps, Zenzaburo Akazawa est resté vivre à Iwama où il donne occasionnellement des cours d’Aïkido à des femmes, des enfants et des personnes âgées. Il s'éteint en 2007, à l'âge de 87 ans.

 

LIENS

Interview : Lien 1 (Rou)

Biographie : Lien 1 (Ang)

Articles : Lien 1 (Ang) - Lien 2 (Ang) - Lien 3 (Ang)

 

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